Un nouveau framework durable : La Banque transactionnelle mène la charge

14/06/2024

Les trésoriers d’entreprise sont à la manœuvre pour aider leurs entreprises à relever les défis ESG croissants. Bien que les standards globaux en matière d’ESG soient encore en cours, un « framework » innovant développé récemment par Société Générale peut contribuer à accroître la transparence et la crédibilité dans ce domaine.

Ces dernières années, l’ESG est devenu de plus en plus important pour les entreprises, les impératifs réglementaires l’inscrivant résolument à l’ordre du jour des conseils d’administration. Par conséquent, le sujet a également gagné en importance dans la liste des priorités des trésoriers, notamment en raison de la croissance des produits de trésorerie et de dette intégrant des critères/aspects ESG.  Les trésoriers peuvent par exemple bénéficier d'obligations et de prêts verts et durables.  Les dépôts verts et les fonds monétaires axés  sur les critères ESG gagnent également en popularité aux côtés des programmes de financement de la supply chain durables et des dérivés de change liés aux critères ESG.

Marie-Gabrielle de Drouas, Responsable ESG au sein de la division Global Transaction Banking de Société Générale, remarque : « À bien des égards, les trésoriers font partie intégrante de l’ESG, car ils sont souvent aux commandes des interactions avec toutes les contreparties telles que les régulateurs, les investisseurs, les partenaires bancaires, les agences de notation, les clients de l’entreprise, les agences de crédit export et leur direction générale. » 

Cette position centrale signifie que les trésoriers peuvent influencer l’entreprise pour qu’elle intègre des objectifs ESG et qu’elle améliore son impact positif sur l’environnement et la société. De même, les trésoriers peuvent contribuer à progressivement détourner le capital des activités qui génèrent des impacts négatifs.

« Les initiatives ESG qui étaient auparavant volontaires sont désormais rendues obligatoires, notamment par la directive de l’Union européenne sur le reporting des entreprises en matière de durabilité », note Marie-Gabrielle de Drouas. Les entreprises doivent démontrer les engagements pris, la manière dont elles les ont mis en place et leur performance par rapport aux objectifs qu’elles se sont fixés. »

Le défi réglementaire s’applique à toutes les entreprises, mais il pose aux trésoriers certaines complexités supplémentaires. Par exemple, le reporting des données financières et des données ESG était auparavant distinct, mais les entreprises doivent désormais les déclarer ensemble, souligne Marie-Gabrielle de Drouas. « C’est interactif : les CapEx et OpEx alignés à la taxonomie de l’UE doivent être identifiés et déclarés, de sorte que les entreprises doivent traiter les deux concepts ensemble. Les trésoriers figurent parmi les principaux acteurs à pouvoir faciliter ce traitement. »

Une autre considération est la transition écologique. Des initiatives telles que le Pacte vert2 pour l’Europe, la nouvelle stratégie de croissance de l’Europe, appellent les entreprises et autres parties prenantes à participer à une transition vers une croissance économiquement durable et une économie qui ne repose pas sur les combustibles fossiles et la surconsommation de ressources naturelles. Cela nécessite toutefois un financement. Les trésoriers et les directeurs financiers jouent un rôle central dans la prise en compte des questions ESG et leur intégration dans les décisions d’investissement. Cela peut passer par la R&D sur les technologies de transition, par exemple, ou par des investissements qui ont un impact positif plus fort sur l’environnement et qui ne recherchent pas uniquement des rendements à court terme. 

« Si une entreprise a deux projets possibles à l’étude et ne peut financer qu’un seul d’entre eux, les entreprises essaient maintenant de s’assurer qu’elles choisissent celui qui a le plus d’impact positif », commente Marie-Gabrielle de Drouas. 

La quête de la standardisation

Si la priorisation de l’ESG au sein des entreprises a décollé, l’expérience des trésoriers avec leurs partenaires bancaires peut parfois être incohérente. Même si les marchés plus matures des obligations et des prêts verts savent ce que les investisseurs attendent de ces produits, la situation peut être plus compliquée lorsqu’il s’agit de la banque transactionnelle. 

« Un trésorier assurera la liaison avec différentes banques, mais les banques ne discutent pas entre elles pour harmoniser leurs exigences et leurs approches en matière de banque transactionnelle durable  », estime Marie-Gabrielle de Drouas. « C’est pourquoi il est essentiel d’avoir des normes auxquelles chaque banque et chaque trésorier peuvent se référer. Elles apportent de la transparence et harmonisent les exigences. »

Certaines initiatives sur le marché poussent à l’adoption de normes bancaires durables en matière de transactions. Par exemple, la Chambre de commerce internationale (CCI) travaille actuellement à la définition de normes de financement de commerce international durable. Société Générale est l’une des 10 banques à avoir participé au pilote et testé la première vague de normes. Par ailleurs, l’International Capital Market Association a développé les Principes applicables aux obligations vertes (GBP), dont la Loan Market Association s’est inspirée pour les Principes applicables aux prêts verts (GLP). Il est important de noter que ces initiatives évoluent et s’appliquent à d’autres domaines du financement. 

« C’est une bonne nouvelle que les Principes applicables aux prêts verts couvrent désormais également les facilités de financement de commerce », s’enthousiasme Marie-Gabrielle de Drouas. « Bien que ces principes ne couvrent pas l’affacturage et les transactions ponctuelles de financement du commerce, ils couvrent au moins certaines parties de la banque transactionnelle. »

La plupart de ces tentatives significatives de standardisation de l’ESG dans la finance viennent d’Europe. En effet, la taxonomie de l’UE mentionnée précédemment donne aux banques européennes une direction commune. Toutefois, à l’échelle mondiale, la standardisation ESG a encore un long chemin à parcourir.

« Lorsqu’il s’agit de marchés en dehors de l’Europe, en particulier dans des pays comme les États-Unis et l’Asie, chaque région défend quelque chose de différent », révèle Marie-Gabrielle de Drouas. « Nous devons veiller à une certaine cohérence d’un point de vue géographique. »

Ensuite, il y a le niveau financier, plus granulaire, où la banque transactionnelle est confrontée à des défis spécifiques de standardisation en raison de sa nature à court terme et confidentielle, explique Marie-Gabrielle de Drouas.

« En ce qui concerne la banque transactionnelle,  les informations relatives aux biens sous-jacents des transactions ne sont pas nécessairement disponibles », commente-t-elle. « Sans ces informations, il est compliqué de remonter et de trouver des informations fiables pour démontrer l’impact ESG. »

Disposer des données permettant de démontrer l’impact est une pierre angulaire du financement ESG. Un financement à 10 ans générera des données permettant aux entreprises et à leurs partenaires bancaires de revendiquer une certaine influence sur les indicateurs, comme les émissions de CO2 évitées. Toutefois, compte tenu de la nature à plus court terme de la banque transactionnelle, il peut être difficile de démontrer son impact.

« Nous avons eu des discussions sur l’affacturage et avons souligné que, même si cela ressemble à du financement à court terme, ces lignes de crédit sont utilisées toute l’année », explique Marie-Gabrielle de Drouas. Même si le cash est remboursé et réutilisé, l’exposition de la banque reste importante. « Les banques souhaitent que cet effort d’accompagnement de la liquidité des entreprises clientes pour la transition verte soit pris en compte, même lorsqu’il s’agit de financement à court terme », ajoute Marie-Gabrielle de Drouas.

La complexité des chaînes d’approvisionnement des entreprises est un autre défi ESG auquel sont confrontées les banques et les trésoriers. Si une banque fournit des garanties commerciales à un client qui est contrepartie à un projet de financement de la production de panneaux solaires, il est relativement simple d’en comprendre l’impact. Cependant, cela devient rapidement plus compliqué si le transport, le fournisseur et l'utilisateur final doivent également être évalués. 

« On regarde toujours l'utilisation finale des marchandises », souligne Marie-Gabrielle de Drouas. « S’il peut être démontré que l’utilisation finale générera un impact positif, cela sera pris en compte. Mais cela doit être formalisé avec nous par le client. »

Un framework pour un avenir meilleur

Alors que les normes mondiales décisives en matière de financement ESG restent une aspiration du secteur, certaines banques ont pris l’initiative de rendre les définitions ESG claires et transparentes pour elles-mêmes et pour leurs clients. Ainsi, Société Générale a récemment mis en place son framework1 pour une activité de la banque transactionnelle durable. 

« Nous avons décidé qu’il était essentiel d’accroître la transparence et la reconnaissance par les parties prenantes externes, y compris nos clients, de la fiabilité de notre approche », s’enthousiasme Marie-Gabrielle de Drouas. Cela nous a conduits à faire examiner notre framework par un tiers  indépendant, afin de confirmer d’un point de vue externe que nos exigences internes sont conformes aux normes du
marché. » 

Pour l’examen externe du framework, Société Générale a travaillé pendant de nombreux mois avec la société de conseil en données et analyses ISS-Corporate. La société a fait ses preuves en matière d’examen des frameworks relatifs aux obligations vertes, mais le travail qu’elle a mené avec la banque a été disruptif et bénéfique pour les deux parties. 

« Malgré l’expérience d’ISS-Corporate dans le domaine des obligations d’entreprise, la société est moins habituée aux activités de la banque transactionnelle », explique Marie-Gabrielle de Drouas. « ISS-Corporate a dû adapter sa méthodologie, car si le framework d’une émission obligataire nécessite une réflexion sur les types de transparence à apporter aux investisseurs, dans la banque transactionnelle, nous voulons être transparents avec nos clients. »

Grâce aux discussions entre les deux parties, la banque a pu démontrer que malgré ses caractéristiques court-terme la banque transactionnelle  peut faire la différence en matière d’ESG. L’un des avantages de l’examen externe du framework de la banque transactionnelle durable de Société Générale est la confirmation que la banque a développé une approche fiable afin de prévenir le risque de greenwashing. Elle protège également ses clients contre le risque de greenwashing lorsqu’ils reçoivent un label de la banque confirmant la durabilité d’une transaction. « Cela renforce vraiment la crédibilité de cette offre », affirme Marie-Gabrielle de Drouas. 

En outre, lorsqu’il s’agit de défis concernant les allégations ESG liées aux instruments bancaires transactionnels de contreparties telles que des auditeurs, le framework offre un niveau de confiance concernant l’approche globale et la traçabilité des contrôles qui ont été effectués. 

« Nous voulions être transparents avec nos clients et leur montrer qu’avant de leur donner un label vert, nous prenons toutes ces mesures », souligne Marie-Gabrielle de Drouas. « Cela démontre qu’ils peuvent s’appuyer sur notre approche et que nous sommes reconnus pour nous conformer aux pratiques de marché. »

Le framework a été inspiré par des initiatives telles que les GLP et GBP, et bien qu’il soit un outil exclusif qui offre à la banque un avantage concurrentiel, Société Générale suit de près l’évolution des pratiques du marché dans ce domaine. « Nous cherchons à intégrer autant que possible les normes futures », ajoute Marie-Gabrielle de Drouas. 

La banque a comparé son approche et son framework, qui reposent principalement sur les GLP, avec la CCI, qui examine différentes composantes. « La CCI s’intéresse au vendeur, à l'acheteur, aux marchandises, mais aussi aux transports », remarque Marie-Gabrielle de Drouas. « Dans notre approche globale, nous couvrons également les contrôles côté acheteur et vendeur et côté marchandises, par exemple. Nous espérons que tout le monde aura les mêmes exigences et que les normes futures auront les mêmes attentes. »

Aider les équipes de trésorerie à prospérer

Pour les trésoriers, le framework de la banque est utile, car il clarifie ce qui peut être considéré comme vert ou social, en couvrant ce qui a un impact positif. 

« Nous entrons dans le détail en précisant les activités applicables et les critères que nous examinons », explique Marie-Gabrielle de Drouas. « C’est dans l’esprit de la taxonomie de l’UE, avec des critères techniques d’éligibilité. Il est ainsi beaucoup plus facile pour un trésorier de savoir si une activité spécifique répond ou non aux critères d’éligibilité. »

La banque est également transparente sur ce qu’elle attend des entreprises en matière de traçabilité et de reporting d’impact. « Une fois qu’un client a revendiqué un impact, il doit démontrer qu’il peut le mesurer et en rendre compte », souligne Marie-Gabrielle de Drouas. « Cela permet à tous les trésoriers de voir comment ils peuvent mesurer l’impact qu’ils pourraient avoir à travers leurs activités de banque transactionnelle.  »

Les exigences définies dans le framework s’appliquent à la fois au niveau des clients et des transactions, ce qui signifie que les clients ne sont pas systématiquement éligibles aux instruments labellisés ESG

« Avant même de proposer des produits ESG à une entreprise cliente, nous menons des discussions et des vérifications internes, en examinant des domaines tels que la réputation, la maturité ESG et l’alignement aux engagements de la banque », révèle Marie-Gabrielle de Drouas. « Ensuite, nous examinons la transaction pour vérifier que celle-ci est également éligible. »

Une fois qu’un label ESG a été délivré, la banque dispose également d’un dispositif permettant de répondre aux nouvelles informations. Par exemple, un projet de parc éolien peut être labellisé au moment de son acceptation, avant que ne soit constaté un impact  sur la biodiversité qui n’était pas apparent au départ. Le contrat contient une clause pour ce genre de situation, laquelle clause prévoit l’annulation  du label.

« Pour certaines solutions vertes, nous demandons un rapport d'impact annuel pour vérifier et démontrer l'impact », souligne Marie-Gabrielle de Drouas. « Un autre mécanisme existe dit Sustainability-Linked, pour lequel le client doit démontrer chaque année sa performance par rapport aux objectifs que nous avons convenus initialement. Il peut s’agir d’une réduction des émissions de CO2 ou du pourcentage de femmes d la direction, par exemple. » 

Accompagner les acteurs clés 

Compte tenu de l’importance des critères ESG dans l’agenda des trésoriers d’entreprise, Marie-Gabrielle de Drouas les encourage à discuter avec leurs banques de ce qui pourrait leur permettre de mettre davantage l’accent sur les critères ESG dans les services de la banque transactionnelle.  

« Comprendre l’activité et les objectifs d’une entreprise nous aide à identifier ensemble les opportunités à fort impact positif », déclare-t-elle. « En fonction de l’objectif du client, des opportunités que nous percevons et du panel de solutions de la banque transactionnelle durable que nous proposons, nous pouvons trouver un moyen d’établir une relation solide et d’accompagner notre client dans sa transition. » 

Traditionnellement, des discussions sur les prêts et les obligations durables ont eu lieu entre les banques et le directeur financier de l’entreprise cliente. Le trésorier, le responsable du commerce et même les services des achats au sein de l’organisation étaient auparavant moins impliqués dans l’articulation des stratégies financières et non financières. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.

« Nous sommes arrivés à un point où le trésorier est un acteur clé de la stratégie ESG de l’entreprise », conclut Marie-Gabrielle de Drouas. « Grâce à notre nouveau framework et à notre expertise continue, nous pouvons l’aider à assumer ce rôle et à réaliser les ambitions ESG de l’entreprise. »

Sources
(1)  Le framework de Société Générale est un cadre réglementaire reconnu par un organisme habilité, ICS, qui permet d'avoir la légitimité de promouvoir des offres et solutions ESG et d'accompagner les clients dans leur transition écologique. C’est l’un des premiers cadres dédiés aux solutions GTB relatives à des actifs identifiés.
(2)  Le pacte vert est la feuille de route environnementale de la Commission européenne. Il vise à transformer de nombreux secteurs de la société avec une ambition principale : faire en sorte que l’Union européenne atteigne la neutralité climatique en 2050.