Le grand retour du « S » de l’ESG

09/11/2022

Le mouvement moderne en faveur de l’environnement, du social et de la gouvernance (ESG) a débuté il y a plusieurs décennies avec l’investissement socialement responsable. Les gérants d’actifs se désengageaient alors de secteurs controversés, comme ceux du tabac et de l’alcool.

Assez vite, l’attention s’est déplacée vers la gouvernance, permettant de mesurer « facilement » des facteurs tels que la composition d’un conseil d’administration, la rémunération des dirigeants et la diversité. Ces dernières années, c’est l’environnement qui s’est imposé, avec trois corollaires : des investissements colossaux, une réglementation lourde et, fort heureusement, des progrès considérables.
Toutefois, à la suite de la crise de la COVID-19, les critères sociaux quelque peu négligés font leur grand retour. Pourquoi ? D’abord, la pandémie a déclenché une chute des taux de participation à la population active (« la grande démission »). Ensuite, elle a mis en évidence la fragilité des chaînes d’approvisionnement des entreprises.

Enfin, comme le dit Yannick Ouaknine, Responsable de la recherche sur le développement durable chez Société Générale :

La COVID-19 a braqué les projecteurs sur le volet social de l’ESG. Cela nous a rappelé que cette dimension des choses compte.

Toutefois, elle reste difficile à définir. Les entreprises peinent à cerner leurs obligations, notamment en matière d’information, les investisseurs doivent identifier les critères qui ont du sens et qui sont mesurables, les autorités réglementaires cherchent à mettre en place des cadres équilibrés… De leur côté, les ONG et les universitaires, entre autres, veulent également avoir leur mot à dire. 
Cette complexité a conduit M. Ouaknine et son équipe à tenter d’exposer les enjeux de manière aussi pragmatique, transparente et « financièrement pertinente » que possible. De plus, ils étaient déterminés à présenter les facteurs sociaux non seulement comme des risques à éviter, mais aussi comme autant d’occasions offertes aux entreprises et aux investisseurs d’améliorer leurs performances. À ce jour, leurs recherches ont porté sur trois grands sujets.

La performance sociale, facteur de la performance économique

Le premier est celui des directives réglementaires relatives aux conditions de travail, telles que celles des Nations Unies et de l’Organisation internationale du Travail. Celacomprend également les politiques sociales et le devoir d’information des entreprises du monde entier. Malgré les nombreuses réglementations en vigueur et à venir, comme la taxinomie sociale de l’Union européenne, il existe des lacunes significatives. 

Les entreprises, qu’elles soient classées par secteur, par taille ou par pays, communiquent à des degrés très variables, souvent selon des critères vagues plutôt que quantitatifs ou systématiques. « En matière d’information, nous avons constaté que la disponibilité des données n’était pas synonyme de qualité », a déclaré M. Ouaknine. Ainsi, seule une entreprise sur trois dispose d’une politique sur la liberté d’association. Or, c’est une condition élémentaire pour permettre la syndicalisation et protéger les droits des travailleurs.

Depuis la pandémie, ce premier sujet a mis en évidence l’importance des employés dans la réussite des entreprises. Le deuxième sujet concerne donc le bien-être du personnel. Les jeunes générations remettent en question les définitions traditionnelles du bonheur au travail fondées sur le salaire et les promotions. Ils attendent de leur employeur non seulement qu’il leur offre de la souplesse et prête attention à leur bien-être personnel, mais aussi qu’il partage leur éthique et leurs valeurs, voire de plus en plus qu’il s’exprime sur les questions sociales et politiques. C’est notamment le cas aux États-Unis, où les PDG se rendent compte qu’ils doivent à présent prendre position sur des sujets comme le mouvement Black Lives Matter ou l’avortement. 

La plupart des entreprises n’y parviennent pas. Les anciennes politiques en matière de santé et de sécurité assorties de notions floues sur la « culture » ne suffisent plus aux meilleurs jeunes diplômés, qui considèrent qu’un salaire élevé et d’excellentes conditions de travail vont de soi et qui ont l’embarras du choix pour se faire une place dans le monde. Selon M. Ouaknine, les entreprises doivent davantage traiter leurs collaborateurs comme des clients, en revalorisant le service des ressources humaines. En sachant y faire, elles pourront gagner la course aux talents et représenter au passage un investissement plus intéressant. 

Les chaînes d’approvisionnement, au cœur de la durabilité sociale 

Le troisième sujet de recherche est celui des chaînes d’approvisionnement. Si le travail des enfants, l’exploitation et la déforestation sont des problèmes de longue date, ces deux dernières années nous ont montré à quel point les chaînes d’approvisionnement mondiales étaient devenues vulnérables. À l’heure où les entreprises les reconstruisent, passant du modèle « juste à temps » à la stratégie « juste au cas où », elles ont l’occasion d’élever les normes et de communiquer des informations plus utiles. Par exemple, dans quelle mesure sont-elles dépendantes de matériaux spécifiques tels que les métaux rares ? Les acteurs locaux peuvent eux aussi jouer un rôle dans la normalisation. Entre-temps, les consommateurs devront apprendre à payer plus cher les produits issus de sources responsables.
De leur côté, les entreprises se trouvent confrontées à différentes controverses : lancements de produits malencontreux, pollution, accidents industriels, corruption, fraude… Ces situations découlent souvent de facteurs sociaux, à savoir des comportements regrettables de leurs collaborateurs. Or, une entreprise à la réputation entachée peut rapidement perdre toute légitimité sociale. En revanche, une controverse habilement gérée, voire évitée, peut forger et renforcer une marque. 
Les investisseurs, quant à eux, doivent analyser systématiquement les facteurs sociaux, susceptibles d’exposer leurs portefeuilles à de lourdes pertes soudaines et à une sous-performance. D’ailleurs, la prise en considération de ces indicateurs entre désormais dans leur devoir fiduciaire. Dernier point positif : à mesure que l’information s’améliore, les gérants d’actifs peuvent articuler de nouveaux produits autour du thème social et en faire une composante clé de leur processus d’investissement. 

Vous souhaitez obtenir des informations et trouver de nouvelles idées pour concrétiser vos ambitions en matière de développement durable ? N’hésitez pas à participer à la Positive Impact Week. Cet événement phare de Société Générale pour ses clients du monde entier se tiendra du 28 au 30 novembre. 

photo ouaknine

Senior ESG Analyst Societe Generale Corporate & Investment Banking