Quels sont les défis à relever pour tenir les objectifs du G20 en matière de paiements transfrontaliers ?
En 2020, les pays du G20 ont défini des objectifs pour améliorer les paiements transfrontaliers à horizon 2027. Quatre ans après cette première étape, les priorités sont maintenant clairement établies…tout comme les défis à relever.
A l’automne 2020, les autorités financières du G20 publiaient une feuille de route destinée à améliorer les paiements transnationaux, dans le but de faciliter les échanges mondiaux. Cette feuille de route a ensuite été précisée l’année suivante avec la définition d’une série d’objectifs chiffrés à destination des différents acteurs du secteur. Particulièrement ambitieux, ceux-ci s’articulent autour de quatre axes principaux : la rapidité d’exécution, la réduction des coûts, la transparence et l'accessibilité. Soit autant de « frictions » à lever dans les paiements transfrontaliers.
Coopération structurée et premières améliorations
Quatre ans après le lancement de cette initiative, une coopération très structurée entre le secteur privé et le secteur public s’est mise en place et l’ampleur de la tâche apparaît très clairement. Des améliorations majeures ont déjà été réalisées, comme l’a montré le premier rapport d’étape, publié en 2023. Deux initiatives, portées par la coopérative interbancaire Swift ces dernières années, ont permis au secteur des paiements de rendre les virements transnationaux plus rapides, prévisibles, moins chers et plus sûrs. La première, « Swift GPI » (Global Payments Initiative), assure l'utilisation des fonds par le bénéficiaire le jour même, le suivi du paiement de bout en bout, la confirmation finale du crédit, ainsi qu'une transparence totale sur les frais facturés. La seconde, « Swift Go », est une initiative comparable, dédiée aux paiements de petits montants et avec des niveaux de service encore plus élevés.
Mais le dernier kilomètre avant la ligne d’arrivée est toujours le plus compliqué à parcourir ! Les efforts actuels portent sur trois grands enjeux : l’harmonisation des cadres juridiques et réglementaires, l’échange de données et la standardisation des messages (notamment via la norme ISO 20022), ainsi que l’interopérabilité et l’extension des systèmes de paiement.
Les défis de l’harmonisation et de la standardisation
L’harmonisation des cadres juridiques et réglementaires semble être le défi le plus complexe à relever, car il n’est pas entre les mains des acteurs privés, mais des autorités nationales. Aujourd’hui, 90 % des paiements internationaux réalisés via Swift sont traités en moins d’une heure…mais ils ne sont crédités aux bénéficiaires dans ce délai que dans 50 % des cas ! La plupart du temps, cette déperdition est due aux systèmes internes des banques bénéficiaires qui fonctionnent par vacation (un procédé efficace et robuste mais dépendant d’horaires de traitement prédéfinis), ainsi qu’à la batterie de contrôles imposée par les régulateurs (dans le cadre des programmes de sanctions et d’embargos ou de lutte contre le financement du terrorisme, le blanchiment, la fraude et le crime organisé, ou encore de la surveillance des changes et des mouvements de capitaux).
Devant l’ampleur des menaces (pour rappel, plus de 3 000 milliards de dollars de fonds illicites auraient transité par le système financier mondial l'année dernière selon le dernier rapport de Nasdaq Verafin), la frilosité des régulateurs à aller vers davantage d’harmonisation des cadres juridiques et réglementaires peut se comprendre. Le choix est en effet cornélien entre, d’un côté, la promotion de l’inclusion sociale et la croissance, et de l’autre, la sécurisation du système financier, qui passe par le renforcement des contrôles appliqués localement.
Mais du côté des acteurs bancaires aussi, il y a beaucoup à faire en termes d’harmonisation, en particulier en matière de standardisation des processus et des pratiques - qu’il soit question des procédures de virement, des modes de facturation ou de l’échange d’information. Pour progresser sur tous ces fronts, un langage commun (la norme ISO 20022 qui se déploie progressivement pour les paiements d’ici à 2025) est nécessaire, mais ne sera pas suffisant. Encore faut-il que tous les acteurs l’utilisent de la même façon à travers le monde !
Des questions techniques et organisationnelles à résoudre
De nombreuses questions organisationnelles émergent également au fil des avancées et des échanges. Par exemple, comment interconnecter efficacement les différents systèmes de paiement instantanés entre eux ? Comment composer avec la fragmentation des modes de paiement, en s'assurant de mettre les ressources et l'énergie au bon endroit ? Comment s’assurer que tous les acteurs du secteur des paiements, régulés ou non, répondent aux mêmes règles et opèrent dans un même cadre, ce que les anglo-saxons nomment un « level playing field » ?
Les spécialistes interbancaires du groupe Société Générale apportent leur pierre à l’édifice en s’impliquant dans les groupes de travail et d’échanges des différentes instances de place françaises, européennes et internationales, de la coopérative Swift, des infrastructures de marché et des banques centrales. Ils s’impliquent au sein des organismes de standardisation qui œuvrent à l’harmonisation des normes et des règles d’utilisation des systèmes de paiement (HVPS+, IP+...) et des activités de correspondance bancaire (CBPR+), tout en participant activement aux groupes de réflexion de la Banque des Règlements Internationaux, notamment la task force Payments Interoperability and Extension (PIE), forum d’échange d’expériences et de bonnes pratiques de l’ensemble des acteurs de marché au niveau mondial. En interne, il faudra aussi trouver comment s'organiser techniquement et humainement pour assurer un service le plus rapide possible, 24/7, 365 jours par an. Et ce, alors que les marchés des changes et la plupart des banques sont fermés pendant les week-ends et certains jours fériés. Qui plus est, sans que cela ne se traduise par des surcoûts et des risques supplémentaires pour les clients.
De fait, pour répondre à la plupart de ces questions, les acteurs du marché vont avoir besoin du soutien total des régulateurs. C’est donc un rôle de chef des opérations qui doit être endossé par les autorités qui devront planifier et guider le choix des développements à effectuer en priorité, s’assurer que les mêmes droits et les mêmes obligations s’appliquent bien aux différents acteurs effectuant les mêmes activités, et veiller à ce que les services proposés aux utilisateurs restent sûrs et économiquement viables, pour l’ensemble des fournisseurs de service de paiement. Sans ce prérequis, il sera difficile pour l’industrie des paiements de résoudre l’équation particulièrement complexe à laquelle elle est confrontée : réduire les coûts pour les utilisateurs tout en continuant à investir, parfois massivement, pour améliorer ses services et être à la hauteur des ambitions affichées par le G20.