Optimiser et simplifier le modèle des paiements transfrontaliers

15/10/2024

Pour améliorer l’efficacité opérationnelle des paiements cross-border, les prestataires de services de paiement peuvent s’appuyer sur différentes initiatives, notamment de Place, tout en restant vigilants sur les symétries ou dissymétries de situations et d’accès intra-zones géographiques.

Les paiements transfrontaliers constituent l’épine dorsale du commerce international.  Il n’est donc pas surprenant que les membres du G20 aient fait de leur amélioration une priorité en approuvant une feuille de route qui fixe des objectifs mesurables visant à en réduire les coûts et la vitesse d’exécution, et à en augmenter l’accessibilité et la transparence d’ici 2027.

Si l’enjeu est d’améliorer l’expérience client tout en maintenant un niveau de contrôles élevé, la difficulté réside dans le fait que les prestataires de services de paiement évoluent dans un cadre réglementaire différent selon les pays ou zones géographiques, avec des spécificités et exigences diverses sur les devises. Le contexte est donc complexe et le restera. Construire un seul modèle de paiements transfrontaliers qui convienne à tous paraît alors quelque peu utopique pour des raisons économiques mais également géopolitiques, la monnaie étant un sujet souverain. En revanche, il est possible, à partir de l’existant, d’optimiser le modèle afin de le rendre plus efficace et de mieux répondre aux attentes clients.  L’ensemble de la Place s’emploie activement à améliorer ces services de paiements, vus et pensés de plus en plus comme une commodité.

Renforcer l’interlinking

Certes l’intelligence artificielle ou la blockchain peuvent améliorer l’efficacité opérationnelle sur certaines étapes du modèle où il y a de la friction, ou par zone géographique. Mais il s’agit d’avoir une transaction plus imbriquée et donc plus fluide. L’une des solutions consiste à combiner les paiements instantanés domestiques et les circuits transfrontaliers en interconnectant davantage les infrastructures de marché domestiques. L'interconnexion raccourcit la chaîne de la transaction, contribue à la rapidité, à la réduction des coûts et à la transparence. Face à ces améliorations, les enjeux pour les banques commerciales traditionnelles et l’ensemble du système demeurent l’optimisation de la liquidité, la réduction des risques et le respect des exigences de conformité.

En Europe, des initiatives d’interconnexion voient le jour comme l’OCT Inst* lancé en novembre 2023 par l’European Payments Council. Une solution de Place dans laquelle Société Générale est partie prenante et participe aux différents workshops et études sur le sujet. Les prestataires de services de paiement de la zone euro peuvent utiliser au mieux les systèmes domestiques SEPA Inst pour les virements transfrontaliers instantanés à destination et en provenance de l’Europe. Si l’initiative est bien accueillie, elle reste techniquement compliquée à déployer car les exigences de filtrage et de conformité sont différentes entre un paiement international et un paiement domestique européen, mais aussi entre banques européennes. Or, pour des raisons de maîtrise des risques et de sécurité financière, il est primordial pour un prestataire de services de paiement de contrôler les paiements transfrontaliers qu’il reçoit. Il faut donc arriver à converger vers des règles de contrôle et des techniques de formatage des paiements, ce qui prend du temps et représente un investissement significatif pour les différents acteurs. Il existe cependant des effets d’opportunité notamment sur les opérations de change, avec néanmoins des écueils de gestion sur la partie liquidité. Par rapport à l’interlinking, la trésorerie de la banque s’en trouve impactée car pour être capable de délivrer un paiement, elle doit disposer sur ses comptes des fonds nécessaires. Il y a donc un enjeu d’alimentation en liquidité pour pouvoir la réemployer de manière instantanée.

Intensifier les recherches sur investigations

L’initiative de Place Exceptions & Investigations (exceptions et enquêtes) vise à améliorer des aspects opérationnels de la chaîne de traitement des paiements cross-border sur la brique investigation. Concrètement, ce service a pour objectif de rationaliser la gestion des demandes de renseignements relatives aux paiements « accidentés » ou incomplets afin de les réparer selon des circuits plus courts interconnectés. Cela évite les intermédiaires, donc des coûts et des délais. L'idée est de rapprocher plus rapidement la réponse de la question via des échanges par API.

Développer et symétriser les autorisations d’accès aux systèmes locaux

Par ailleurs, s’il y a des zones géographiques où il est possible de proposer une symétrie de services de paiement instantané à un coût attractif, ce n’est pas le cas partout. L’absence de dispositifs de paiements instantanés ou leur non-disponibilité pour le traitement des paiements transfrontaliers, c’est-à-dire l’usage exclusif des solutions instantanées au niveau domestique, peut entraîner des frictions et un rallongement du règlement avec de possibles conséquences sur la trésorerie.

Les mêmes règles pour tous

Tous les prestataires de services de paiement cherchent à accéder au même système par région. Si pour y parvenir la tendance est à l’harmonisation des règles, ces dernières peuvent encore être différentes d’une zone à l’autre, que vous soyez une banque, une fintech ou un établissement de paiement. Cette dissymétrie entre les règles applicables aux différents acteurs selon certaines réglementations crée des risques et des désavantages concurrentiels. Or, il est dans l’intérêt des clients finaux que tous les acteurs soient traités de la même manière et répondent aux mêmes exigences de contrôle, d’audit, de normes de sécurité et de transparence. C’est pourquoi l’approche par les risques est préconisée par les banques, car les acteurs qui assurent la circulation monétaire transfrontalière sont fondamentalement exposés de la même manière. La responsabilité internationale du système est donc d’avoir les mêmes niveaux de sécurité et de contrôle pour tous.

Faciliter les contrôles réglementaires et de conformité

Aujourd’hui, lorsqu’il y a une alerte de conformité sur un paiement international, il n’y a pas de suivi possible pour le client. Or, pour la fluidification du système, il est important de pouvoir apporter de la transparence et des engagements de délais au client sur la partie de ces paiements en suspens. La migration des paiements transfrontaliers vers ISO 20022 va faciliter les contrôles réglementaires et donc fluidifier le modèle. Ici aussi, il est dans l’intérêt de tous les acteurs de la chaîne de paiement d’être en mesure de traiter des informations de qualité, enrichies, et correctement structurées, réduisant ainsi les erreurs et le volume des paiements interrompus.

Améliorer la gestion de la fraude

À l’instar de la conformité, la gestion de la fraude a aussi besoin d’être améliorée. Cela nécessite d’agir sur deux volets : l’anticipation et le partage d’expérience. En anticipation de la transaction, des initiatives sont en cours de déploiement en Europe, comme la verification of payee (vérification du bénéficiaire) qui consiste à s’assurer que le nom correspond bien au numéro de compte, ou la prévalidation du compte bénéficiaire avant d’envoyer les fonds par Swift. Quant au partage d’expérience a posteriori, là aussi des réflexions sont en cours afin de capitaliser sur la connaissance pour prévenir les futurs cas de fraude.  Il s’agit de l’intérêt commun à s’en prémunir.

Interconnecter les infrastructures de marché, instaurer une qualité de services la plus homogène possible dans les modes de traitement, harmoniser les règles d’accès entre prestataires de paiement, sont autant de chantiers lancés permettant de fluidifier un modèle qui à terme profitera à l’ensemble des parties prenantes des paiements.

* One-Leg-Out Instant Credit Transfer