Miser sur le Japon : pourquoi un avenir durable est de bon augure

20/10/2023

Alors que Société Générale fête ses 50 ans de présence au Japon, Bruno Gaussorgues, Responsable Pays pour le Groupe, se penche sur la façon dont la transition énergétique va façonne l’avenir du pays au cours des prochaines décennies.

Lorsque Société Générale a inauguré sa toute première agence à Tokyo en 1973, le Japon était en plein boom économique : le PIB nominal est passé de 91 milliards de dollars en 1965 à 1 000 milliards de dollars en 1980. Les marques japonaises s’invitaient dans les foyers du monde entier et le pays confirmait sa réputation d’excellence industrielle, en particulier dans les secteurs de l’électronique et de l’ingénierie.

Cinquante ans plus tard, le Japon connaît un nouveau point d’inflexion à l’heure où la décarbonation et les enjeux démographiques viennent remettre en question son modèle économique pourtant solide.

La transition énergétique sera particulièrement délicate pour le Japon, où le relief montagneux, les eaux côtières profondes et la forte densité de population constituent des obstacles de taille au développement des énergies solaire et éolienne. L’interruption de la production d’énergie nucléaire à la suite de l’accident de Fukushima a prolongé la dépendance du pays aux importations de combustibles fossiles. En 2022, le Japon a ainsi importé près de 90 % de ses besoins énergétiques, le charbon représentant à lui seul près d’un quart de ces importations1. En outre, le réseau électrique du pays n’est pas encore en mesure de s’adapter à une adoption massive des énergies renouvelables.

L’économie japonaise repose aussi en très grande partie sur de nombreuses industries où il est difficile de réduire les émissions : le pays est le troisième producteur d’acier au monde2 et se classe au deuxième rang mondial en ce qui concerne le transport maritime.3 De même, le secteur industriel, avec en tête l’automobile et ses composants, représente 20 % de son PIB, le pourcentage le plus élevé parmi les pays du G7.4


Cependant, nous pensons que la transition énergétique offre également au Japon la possibilité de conforter sa position au cœur des chaînes d’approvisionnement du futur.

L’expérience que le pays a acquise en matière d’ingénierie de pointe, la profondeur de ses marchés financiers et la cohérence de ses politiques de décarbonation l’ont doté de fondations solides sur lesquelles il peut bâtir des modèles économiques à faibles émissions de carbone. En s’ouvrant à l’innovation et en renforçant ses liens avec les investisseurs du monde entier, le Japon peut s’appuyer sur cette transition vers un avenir plus durable.

Une nouvelle approche

Au Japon, cette transition nécessitera de nouvelles technologies, de nouveaux modèles économiques et de nouveaux outils de financement.

Le pays commence d’ores et déjà à intégrer ces nouvelles technologies. Le gouvernement a relevé son objectif dans le domaine des énergies renouvelables. Celles-ci devraient désormais représenter entre 36 et 38 % de son mix énergétique d’ici 2030. Il vise également à atteindre une capacité éolienne offshore de 45 gigawatts d’ici 2040 et travaille d’arrache-pied pour attirer les développeurs.

À plus long terme, le Japon pourrait également utiliser des bases flottantes pour l’éolien offshore5,  des turbines en eaux profondes,  des hydroliennes, ainsi que ses immenses ressources géothermiques.

Cependant, la technologie la plus intéressante est l’hydrogène vert, qui constitue la source d’énergie alternative la plus viable pour les industries lourdes, notamment la sidérurgie, la chimie, le transport maritime et aéronautique, où l’électrification n’est pas une solution réaliste. L’hydrogène vert peut également servir de réserve d’énergie propre et remplacer les combustibles fossiles dans la production d’ammoniac ou d’engrais et diverses autres chaînes d’approvisionnement.

Grâce à l’augmentation de sa production, le Japon pourrait réduire sa dépendance à l’énergie importée et se rapprocher de ses ambitions de neutralité carbone. Ce faisant, l’industrie japonaise serait en mesure de réduire l’empreinte carbone des matériaux et des biens manufacturés qu’elle produit, rendant ainsi le pays plus compétitif dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Financer l’avenir

Les entreprises japonaises ont la volonté indéniable de mener à bien cette transition énergétique et possèdent les compétences nécessaires. Les multinationales investissent depuis longtemps aux quatre coins du monde et mettent de plus en plus en pratique leur expertise en ingénierie dans des secteurs critiques tels que les métaux et les minerais, les batteries, le captage du carbone et les infrastructures de valorisation énergétique des déchets.

L’adoption rapide de technologies à faibles émissions de carbone exigera une approche tout aussi novatrice en matière de financement. Ce dernier inclura notamment des mesures incitatives par l’État. La politique de transformation verte (GX) du Japon, adoptée en début d’année, le permet. D’après les estimations, 150 000 milliards de yens (1 100 milliards de dollars) pourraient être investis par les secteurs public et privé au cours de la prochaine décennie. Cette loi prévoit également l’émission de 20 000 milliards de yens d’obligations de transition GX afin de financer les efforts du gouvernement dans ce domaine. Le financement mixte, dans le cadre duquel des fonds publics souscrivent une partie du risque assumé par des prêteurs privés, pourrait également contribuer à créer des modèles économiques innovants au Japon.

D’autant que les marchés des capitaux liquides et matures japonais sont un véritable atout. Le secteur des infrastructures a accède à des investisseurs patients à la recherche d’actifs à long terme. Dans le même temps, les investisseurs internationaux manifestent un regain d’intérêt pour le Japon alors que le marché boursier atteint ses niveaux les plus élevés depuis des années.

Dans le secteur bancaire, Société Générale est l’un des chefs de file de la transition énergétique à travers le monde. À ce titre, elle peut accompagner les entreprises et les investisseurs japonais dans leur transformation durable, grâce à son expérience mondiale en matière de financements innovants de la transition et à une connaissance approfondie des marchés locaux acquise depuis notre arrivée au Japon, il y a maintenant 50 ans.

Société Générale est la seule banque non japonaise à avoir accompagné les deux projets de parcs éoliens offshore de grande envergure au Japon (Ishikari et Akita & Noshiro), et a également agi en qualité de conseiller financier lors de la phase 1 de l’appel d’offres.

Au cours des décennies à venir, notre propre modèle économique évoluera pour répondre à la demande croissante de financement à impact et aux nouveaux besoins de nos clients. Nous œuvrons pour le développement de technologies de décarbonation révolutionnaires tout au long de la chaîne de valeur énergétique, en proposant des services de financement et de conseil dans de nombreux projets d’envergure.

À l’échelle mondiale, nous accompagnons la création de Hy24, le plus grand fonds mondial dédié aux infrastructures d’hydrogène propre. Nous avons accompagné des projets phares de stockage par batteries en Australie et en Californie et nous sommes en bonne voie pour atteindre notre objectif, à savoir mobiliser 300 milliards d’euros de financement durable entre 2022 et 2025.

Alors que Société Générale anticipe la prochaine phase du développement économique au Japon, le Groupe continue d’accompagner les entreprises et les institutions financières japonaises pour concrétiser leurs ambitions de croissance. L’avenir du Japon est passionnant et nous sommes prêts à soutenir les nouvelles opportunités et les nouveaux modèles économiques qui découleront de l’accélération de la transition énergétique.

 

1. https://angeassociation.com/japan-gas-policy-brief/ 
2. https://worldsteel.org/media-centre/press-releases/2023/december-2022-crude-steel-production-and-2022-global-totals/
3. https://www.offshore-energy.biz/china-is-worlds-leading-shipowning-nation/
4. https://data.worldbank.org/indicator/NV.IND.MANF.ZS?locations=OE
5. https://www.iea.org/commentaries/japan-will-have-to-tread-a-unique-pathway-to-net-zero-but-it-can-get-there-through-innovation-and-investment
6. https://www.bloomberg.com/news/features/2022-05-30/japan-s-deep-ocean-turbine-trial-offers-hope-of-phasing-out-fossil-fuels#xj4y7vzkg