L’Inde se transforme et sa transition énergétique est en bonne voie

21/02/2024

Tous les pays travaillent à atteindre le zéro émission nette dans les décennies à venir. Mais tous ne sont pas confrontés aux difficultés supplémentaires que rencontre l’Inde. En effet, le pays essaie de décarboner son économie en rapide expansion tout en déployant l’accès à l’électricité à une population encore largement rurale de 1,4 milliard d’habitants.

Les investissements nécessaires sont considérables : l’Agence internationale de l’énergie estime que 160 milliards de dollars par an seront nécessaires jusqu’en 2030 pour que le pays atteigne la neutralité carbone d’ici à 20701, soit près de 13 000 milliards de dollars au total. De nombreux observateurs s’interrogent sur la capacité de l’Inde à mobiliser ces fonds et à respecter cette date butoir, compte tenu des nombreux objectifs évoqués ci-dessus, et de sa dépendance actuelle aux combustibles fossiles. Le charbon couvre toujours 55 % de la totalité de ses besoins en énergie, bien qu’en termes de production d’électricité, il représente près de 75 % du mix énergétique2.

Je reste pour ma part plus optimiste. En effet, je crois que non seulement nous pouvons atteindre ces objectifs, mais que nous pouvons les dépasser. En effet, le secteur des énergies renouvelables connaît une croissance remarquable. L’Inde a la chance d’avoir l’un des plus grands potentiels de ressources solaires et éoliennes au monde, et le coût de l’électricité est déjà inférieur à celui des sources conventionnelles à plus forte teneur en carbone.  En 2019, le gouvernement s’est fixé pour objectif de créer une capacité de production d’énergie renouvelable de 500 gigawatts (GW) d’ici à 2030. Quatre ans plus tard, une capacité de 180 GW a déjà été installée et 88 GW supplémentaires sont prévus à court terme. Le gouvernement a déjà instauré le triplement de la capacité qu’il mettra aux enchères chaque année, passant ainsi de 15 GW à 50 GW par an. Sans la pandémie de Covid-19, cette progression aurait été encore plus rapide3.

Une nouvelle génération d’entreprises énergétiques ou spécialisées dans les énergies renouvelables, dont un certain nombre sont des sociétés privées, sont à l’oeuvre. Certaines d’entre elles adoptent de plus en plus une approche globale: non seulement elles développent et exploitent des parcs éoliens et solaires, mais elles participent également à leur fabrication et à leur construction grâce à des services d’ingénierie en interne, gèrent la maintenance de l’installation tout au long de sa durée de vie, et acquièrent même parfois une partie de l’énergie produite.

Dans le même temps, leurs projets prennent de l’ampleur et une production de plus de 1 GW n’est plus inhabituelle. Elles construisent de plus en plus d’installations qui combinent différents types d’énergies renouvelables, de l’énergie éolienne à l’énergie solaire, en passant par l’énergie hydraulique. Ces installations  comprennent également soit des usines de stockage par batteries, soit  , de plus en plus, des systèmes de pompage-turbinage hydraulique afin de compenser le caractère intermittent des énergies renouvelables. Cela permet d’obtenir une alimentation dite « RTC » ou « Round-The-Clock » (24 heures sur 24)4, qui change la donne pour le secteur.  

À cet égard, la taille de l’Inde est un avantage. La demande croissante et une main d’œuvre croissante, jeune et instruite, peuvent soutenir le développement de projets d’intérêt public. Autre atout du pays, l’infrastructure moderne de transmission de l’énergie existante entre les états et à l’intérieur de ceux-ci. Ce qui permet aux opérateurs de construire leurs installations de façon optimale, qu’il s’agisse de parcs solaires au Rajasthan ou de parcs éoliens au Karnataka, et ainsi d’acheminer l’énergie dans tout le pays, en fonction des besoins. 

Alors que ces grands projets bénéficient déjà d’économies d’échelle et sont à l’origine de prix compétitifs, la volonté d’implanter les chaînes d’approvisionnement en local permettra de réduire davantage les coûts au fil du temps. Aujourd’hui, de nombreux équipements technologiques utilisés dans les  énergies renouvelables sont encore importés. Toutefois, les grands acteurs adoptent l’ intégration verticale rapide, encouragés par les dispositions gouvernementales en matière de fourniture locale d’énergie. 

New Delhi propose également des incitations financières, telles que des tarifs complémentaires sur la durée de vie d’une installation si celle-ci contient suffisamment de kits fabriqués dans le pays. Qui plus est, il est désormais beaucoup plus rapide et facile d’obtenir des permis et des licences. En effet, l’approche du « guichet unique » de l’administration permet à certains projets de passer du bouclage financier au démarrage des opérations en moins de deux ans. 

Le gouvernement fait également preuve d’audace lorsqu’il s’agit de soutenir les technologies propres de pointe, en particulier l’hydrogène vert et l’ammoniac. L’Inde est l’un des six pays asiatiques à avoir publié une stratégie hydrogène, qui précisait notamment les subventions nécessaires et les niveaux d’investissements. Pour susciter la demande, le pays impose aux secteurs industriels difficiles à décarboner, tels quel les secteurs de l’acier et des produits chimiques, l’utilisation d’une certaine quantité d’hydrogène propre d’ici à 2030. 

Selon moi, la taille de l’Inde, sa compétitivité en termes de coûts et ses entreprises privées qualifiées la placent dans une position idéale pour devenir un centre mondial de production d’hydrogène vert et d’ammoniac, à la fois comme carburants et vecteurs de transport, pour la consommation nationale et, à terme, pour l’exportation. Cette capacité d’accès au marché permettra d’accélérer la commercialisation de ces projets.

Ces nombreux avantages n’échappent pas aux investisseurs et nous constatons un intérêt grandissant de leur part, qu’il s’agisse de fonds souverains et de banques multilatérales de développement, d’investisseurs institutionnels, tels que les grands fonds de pension canadiens, ou de financements privés – sous la forme de sociétés de capital-investissement ou de fournisseurs d’infrastructures et de prêts.

Une banque comme Société Générale peut aider à mettre en relation ces institutions internationales avec le nombre croissant de nos clients entreprises indiennes du secteur de l’énergie et des énergies renouvelables. Notre expérience mondiale en matière de financement de projets fait que nous sommes bien placés pour fournir des conseils sur la levée et la structuration de capitaux à long terme, tout en évaluant les risques de change et de marché ainsi que les risques liés aux projets. Nous sommes heureux de contribuer à accélérer la transition de l’Inde vers un avenir énergétique plus propre.


1. Transition de l’Inde vers une énergie propre – AIE
2. Ministère du charbon – Gouvernement indien
3. L’Inde va atteindre son objectif de production de 500 GW d’énergies renouvelables – Economic Times
4. RTC Renewables – Société Générale

 

Katan Hirachand Directeur général et Responsable pays Société Générale, Inde