Pourquoi les ABS sont clés pour la transition vers la durabilité

13/06/2022

La titrisation des voitures, des maisons et des créances de cartes de crédit a un rôle à jouer dans la transition vers une économie sans carbone et la réduction des inégalités sociales. Bien que ces émissions soient appelées à augmenter, il reste encore des défis à relever.


Lorsque Solar Mosaic a lancé en mars 2022 sa plus grande titrisation de prêts à ce jour, la plateforme américaine de financement pour l’amélioration de l'efficacité énergétique des habitations a montré le potentiel des titres adossés à des actifs (ABS) dans la transition énergétique en cours. Co-dirigé par Société Générale, le Mosaic Solar Loan Trust 2022-1 a levé 382,7 millions de dollars qui permettront aux propriétaires américains de financer l'efficacité énergétique selon leurs moyens.

En quoi cela est-il important ? Parce que, selon une étude récente (1), la consommation d’énergie dans le secteur résidentiel représente environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis. Cela signifie que l'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations est un élément essentiel de la décarbonisation de l'économie aux États-Unis, tout comme au niveau mondial.

Les ABS verts et sociaux sont relativement nouveaux mais occupent une place unique dans la finance durable car les actifs sous-jacents - voitures, maisons et créances de cartes de crédit par exemple - sont au cœur des défis environnementaux et sociaux actuels. À ce titre, les titrisations innovantes et bien réalisées peuvent jouer un rôle important dans le soutien à la décarbonisation et, dans une moindre mesure, dans la réduction des inégalités sociales.
 

Un marché naissant mais en pleine croissance

Les émissions de titrisation environnementale et sociale se développent rapidement, de même que la convergence d’intérêt entre les entreprises visant à devenir plus durables et des investisseurs à la recherche d'actifs verts et sociaux. Dans le même temps, les banques sont incitées à participer, non seulement parce qu'il existe des possibilités d'expansion, mais aussi parce que les régulateurs devraient bientôt faire la différence entre les actifs verts et non verts lors de l'allocation des charges de capital.

Les marchés américains et chinois des ABS sont les plus importants au niveau mondial. À la fin du premier trimestre de 2021, les émissions cumulées de titrisations vertes américaines s'élevaient à 115,5 milliards de dollars (107,9 milliards d'euros), contre moins de 10 milliards d'euros dans l'UE, selon un récent rapport de l'Autorité Bancaire Européenne (ABE) (2). Et à la fin de 2020, 115 milliards de RMB (16,1 milliards d'euros) de transactions chinoises avaient été réalisées.

Le rapport de l'ABE propose notamment que les titrisations vertes ne soient pas nécessairement adossées à des actifs verts, mais que l'accent soit mis sur l'utilisation du produit de la transaction pour financer des actifs verts. Cela signifie que le produit des titrisations garanties par des prêts hypothécaires résidentiels ou des prêts automobiles "normaux", par exemple, pourrait être utilisé pour financer l’amélioration de l'efficacité énergétique des maisons existantes ou le développement de véhicules électriques. En d'autres termes, ils pourraient être utilisés pour soutenir la transition du brun au vert.

Obvion, le plus grand prêteur hypothécaire des Pays-Bas, a été le pionnier des titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles (RMBS) verts en Europe. En 2016, il a émis le premier RMBS vert du continent, qui a été sursouscrit à partir de 500 millions d’euros. Il a ensuite émis en 2018 un RMBS de 550 millions d'euros destiné à financer à la fois les nouveaux bâtiments économes en énergie et ceux dont la performance énergétique a été considérablement améliorée. Société Générale a agi en tant que chef de file conjoint pour les deux opérations.

Une titrisation plus récente de Société Générale, a soutenu à la fois la vente de véhicules électriques à zéro émission et les finances des ménages à faibles revenus. En avril 2022, Hyundai Card, la filiale de carte de crédit du groupe coréen Hyundai Motor, a émis le premier ABS à la fois sur les critères écologiques et les critères sociaux.

L'ABS de 350 milliards de KRW (259 millions d'euros) aligne le programme d'ABS de Hyundai Card sur le programme de durabilité du groupe, qui vise à bénéficier à la fois à la société et à l'environnement, conformément aux 17 objectifs de développement durable de l'ONU. Le groupe Hyundai Motor a vendu plus de 6 millions de véhicules dans le monde en 2021 et a investi massivement dans la mobilité zéro émission. Pour illustrer l'importance de cette démarche, les véhicules routiers représentaient près des trois quarts des émissions de CO2 des transports en 2019, selon l'AIE (3).


Un sujet pionnier, des défis à surmonter

Pourtant, ces transactions ABS pionnières restent un défi. Par exemple, la définition d'une titrisation verte fait encore débat. De plus, des secteurs entièrement nouveaux doivent encore être développés, notamment les prêts pour les panneaux solaires en Europe et le financement de batteries électriques.

Le succès de ces nouvelles transactions dépendra de la connaissance approfondie des investisseurs et du partenariat avec une banque qui est à la fois entièrement axée sur la finance durable et qui a aussi une bonne compréhension et une bonne couverture de l'ensemble de la chaîne de valeur. Ces qualités permettent à une banque d'offrir les conseils essentiels.

Pour que la transition énergétique soit un succès, chaque partie des marchés financiers doit jouer son rôle. Les transactions telles que celles de Solar Mosaic, d'Obvion et de Hyundai finiront par devenir la norme. Elles ont le potentiel pour avoir un impact important sur les émissions de carbone, tout comme sur l'accès au financement de populations moins aisées. La poursuite de l'innovation et des transactions pionnières nous aidera à atteindre cet objectif.

 

[1] L'empreinte carbone de la consommation d'énergie des ménages aux États-Unis. École pour l'environnement et le développement durable. Université du Michigan. www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1922205117
[2] Rapport de l'ABE sur le développement d'un cadre pour la titrisation durable. Mars 2022.
[3] www.iea.org/reports/tracking-transport-2020