La transition énergétique mondiale crée de nouveaux marchés d’exportation : comment décupler pleinement leur potentiel ?

10/05/2021

Nous sommes en train de vivre une transformation massive dans la manière dont nous produisons et utilisons l'énergie.

Les anciennes industries centralisées sont remplacées par de nouveaux modèles économiques durables et écologiques. Pour cela, des innovations, tant techniques que financières sont nécessaires. Des investissements cumulés de 30 à 46 trillions de dollars américains seront engagés sur la période 2019-2040, ce qui aura un impact sur tous les secteurs de l'économie. Si la plupart des investissements seront réalisés dans les pays développés (Asie Pacifique, 38 %, Amérique du Nord, 20 %, Europe, 18 %), la situation à l’échelle locale permettra de mettre en place un cadre de transition énergétique différent dans chaque pays, car certains disposent déjà d’infrastructures adaptées et d'un accès bon marché à différentes sources d'énergie.

Cette révolution en cours provoque un changement de priorités dans le monde des exportations commerciales : non seulement en termes de nature des biens et équipements exportés, mais aussi en termes de relocalisation des chaînes d'approvisionnement plus près des utilisateurs, et la volonté des pays développés d’assurer leur propre industrie de transition énergétique sur leur territoire. 
Les agences de crédit à l'exportation (ACE) ont déjà largement contribué au développement de la transition énergétique, en commençant par l'émergence des énergies renouvelables il y a dix ans. Avec les banques, nous avons développé des outils adaptés à des schémas de financement que nous maîtrisons, testés depuis de nombreuses années. 

Cependant, alors que les modèles industriels traditionnels sont perturbés par des projets révolutionnaires, nous faisons face à à de nouveaux risques financiers.  Lorsqu’il s’agit de nouveaux développeurs ou sponsors, d’actifs de moindre envergure, d projets pilotes, l'approche du financement sans recours est souvent privilégiée.  Les nouvelles technologies ou les nouveaux produits impliquent des risques de marché non testés ou des stratégies d'écoulement avec un retour sur investissement limité. Cela est contre-intuitif, car le financement de projets s'est construit sur des données empiriques et des antécédents prouvés ! Les flux d'exportation sont également réorientés, de la traditionnelle OCDE vers les marchés émergents, car les pays hôtes exercent une pression accrue pour garantir leur propre accès à une énergie propre et efficace. 

Face à ces nouveaux défis, les ACE se positionnent comme un partenaire clé pour ouvrir de nouveaux projets pionniers, permettant de combler les lacunes de financement en atténuant les risques expérimentaux. Voici quelques exemples concrets illustrant les défis du financement de la transition énergétique et le rôle stratégique que peuvent jouer les  ACE.

• Les énergies renouvelables sont les pionnières de la transition énergétique. Depuis le parc éolien offshore de C-Power en Belgique en 2007 jusqu’à l’énorme projet Dogger Bank au Royaume-Uni en 2020, les ACE ont toujours soutenu non seulement l'Europe occidentale, mais aussi les nouveaux pays qui se sont tournés vers le renouvelable comme l'Europe de l'Est, l'Égypte, l'Argentine ou Taïwan. Pour de nombreuses raisons, les ACE peuvent servir de catalyseur pour qu'un accord se concrétise : nouveau secteur, technologie, risque pays, contrainte de liquidité, diversification du financement, etc... Avec la  grande tendance actuelle de l'éolien offshore, mais aussi avec la technologie flottante naissante, les agences de crédit à l’exportation resteront une pièce essentielle de l'équation du financement.

• Il ne fait aucun doute que l'hydrogène est le point noir de ce défi, même si sa mise en œuvre est probablement à plus long terme. Le défi consiste à développer des projets à grande échelle, tant du côté de la production que de la demande, à un coût acceptable puisque l'hydrogène vert n'est pas encore compétitif. De multiples initiatives ont été annoncées par le secteur public, tandis que des entreprises privées (acteurs du secteur pétrolier et gazier, services publics, acteurs de la mobilité, fournisseurs d'équipements...) lancent des partenariats visant la production d'hydrogène, le transport et les utilisations finales pour les applications industrielles et de mobilité. Les investissements seront conséquents et nécessiteront certainement un fort soutien du financement export.

• L'industrie des véhicules électriques (VE) est particulièrement intéressante car elle implique toute une chaîne d'approvisionnement, de l'extraction minière à la fabrication et au traitement, en passant par la fourniture de batteries pour véhicules électriques et le recyclage. En 2020, la Commission Européenne a établi un plan d'action sur les matières premières critiques auquel certaines ACE  ont déjà répondu par des programmes dits "intelligents" / "sur mesure" :  le prêt non affecté Euler Hermes, la garantie sur les matières premières Finnvera et les programmes des ACE coréennes et japonaises. L'Europe rattrape également son retard avec de nombreuses et ambitieuses usines de batteries pour VE. Le projet de financement de Northvolt en Suède, d'un montant de 1,6 milliard de dollars, était le premier du genre, au carrefour de l'exploitation minière, de la transformation chimique et de l'industrie automobile, avec de nombreuses nouvelles questions à résoudre : risques de construction multiples, approvisionnement en matières premières, nouvelles technologies, opérations de transformation, prévisions de la demande de VE, etc. Les ACE ont joué un rôle déterminant dans la concrétisation de ces transactions.

• L'économie circulaire est l'un des principaux éléments constitutifs du Green Deal européen, même si elle peut susciter quelques controverses en termes d'impact positif/vert. Il y aura d'importants besoins de recyclage dans le contexte de la transition énergétique, à commencer par 11 millions de tonnes de batteries lithium-ion usagées d'ici 2030.  La valeur économique du recyclage et des batteries de seconde main est également une question qui devra être abordée et les ACE peuvent jouer un rôle de premier plan grâce à diverses formes de soutien (R&D, financement à long terme, prime actualisée, etc.).
 

Si les exemples précédents démontrent que les ACE participent activement au financement de la transition énergétique, leurs solutions s'adaptent pour faire face à ces nouveaux risques et accélérer la dynamique de transition. 
• Par exemple, certains ACE élargissent le système de garantie non affectée et son éligibilité, ce qui permet de soutenir des projets terrestres ou en mer sur la base d'une interprétation plus large de l'intérêt national (participation, obtention d'un contrat stratégique de vente, développement d'un leader national qui contribuera ensuite aux exportations). 
• La possibilité de couvrir le risque lié aux devises locales concernerait les Accords d’Achat d’Electricité (AAE) nationaux, car les projets à petite échelle ne reposent pas nécessairement sur des contrats d'achat internationaux en dollars américains. 
• Une question demeure quant à l'application de la taxonomie de l'UE pour certaines industries (telle que la valorisation énergétique des déchets) ou pour les marchés émergents, car la notion de "ne pas nuire" peut limiter certaines dynamiques de transitions, comme l'introduction du gaz dans des pays qui dépendent encore fortement du charbon. 
• Le soutien des ACE peut également englober la partie en amont d'un projet afin de garantir sa faisabilité bancaire par le biais de la R&D ou d'une prise de participation.

Ce sont là quelques-unes des tendances que nous observons actuellement au sein de la communauté des ACE. La dynamique est en marche, et nous sommes convaincus que les ACE et les banques peuvent élaborer des solutions sur mesure pour soutenir les exportateurs et les importateurs, et agir comme un catalyseur pour optimiser l'engagement des capitaux. Ensemble, nous pouvons être audacieux et repousser les limites !