Société Générale s'entretient avec Sara Menker, Chief Executive Officer de Gro Intelligence

18/03/2022

Lors d'une récente conférence client virtuelle organisée par Société Générale, Michael Haigh, Responsable de la recherche sur les matières premières, s'est entretenu avec Sara Menker, CEO et fondatrice de GRO Intelligence. Cette entreprise innovante recueille des données sur les matières premières et utilise le Machine Learning (apprentissage automatique) pour mieux comprendre les tendances agricoles mondiales. L’échange a porté sur les fondements de la « greenflation » et sur le secteur agricole en général.

Focus sur trois des principaux points abordés :

Menace sur le « grenier à blé » de l'Europe

Evoquant l'impact de la guerre en Ukraine sur les matières premières dans la région, Sara Menker constate que l'impact le plus important se fait sentir sur la production mondiale de blé. L'Ukraine, la Russie et la région de la mer Noire représentent à eux seuls environ 15 % de la production mondiale de blé et près de 30 % des exportations mondiales de blé. Le conflit actuel en Ukraine pourrait très probablement avoir des répercussions sur l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, deux régions fortement dépendantes des importations de blé en provenance de l'Europe de l'Est. A cette situation, s’ajoute l'extrême sécheresse que connaît actuellement le Moyen-Orient, en particulier l'Égypte, et qui a également un impact sur la production locale de blé. D’après Sara Menker, cette double situation laisse envisager une hausse de l'inflation sur les denrées alimentaires dans la région.

La pression inflationniste actuelle sur l'agriculture

Sara Menker note que, ces derniers temps, les chocs sur l'offre et la demande se produisent simultanément pour tous les produits agricoles, des protéines aux céréales. Les chocs d’approvisionnement sont en grande partie attribuables aux événements climatiques et météorologiques. Elle ajoute que les chocs sur la demande, en revanche, sont liés à l’augmentation de la demande beaucoup plus rapide qu’anticipée, malgré les confinements liés au COVID à l’échelle mondiale. La pression exercée sur l'industrie agricole par ces chocs est aggravée par l'augmentation du coût des engrais (étroitement lié au coût du gaz naturel), qui a connu une hausse spectaculaire ces dernières années. Dans de nombreuses régions - dont les États-Unis - près d'un tiers du prix de la production agricole est dicté par celui des engrais.

L’accumulation de ces facteurs crée, selon Sara Menker, une pression inflationniste sur l’ensemble du secteur agricole. En raison des faibles marges bénéficiaires des entreprises de production agricole - qui ne sont soutenues que par une augmentation constante de la demande - il est possible qu'une légère baisse de la demande entraîne une chute brutale des prix. Elle précise que le moment du point de basculement potentiel n'est pas encore déterminé.

Menace de la hausse des températures sur les cultures

Sara Menker estime que les changements environnementaux dans le secteur agricole pourraient trouver des solutions grâce à l'innovation, comme la modification génétique des semences et des produits en développement. Si certains dommages causés à l'écosystème agricole sont irréparables, comme de nombreux scientifiques l’affirment plus que jamais, nous devons prendre des mesures pour être plus résilients. L’allocation de capitaux à plus long terme à nos systèmes alimentaires et à nos marchés agricoles est essentielle et doit être envisagée si nous voulons atténuer le changement climatique. Nous devrons apprendre, dit-elle, à penser différemment pour anticiper les besoins agricoles de demain. 

Elle souhaite retenir néanmoins une vision optimiste des perspectives agricoles actuelles : les difficultés à venir offrent des opportunités. Pour préserver notre système agricole, nous devrons collectivement nous mobiliser pour procéder aux changements nécessaires et relever ces défis de manière proactive, conclut-elle.