Les tendances en matière de décarbonation dans le secteur du Trade Commodity Finance

03/11/2022

3 questions à Deia Markova, Responsable Trade Commodity Finance et ambassadrice Développement Durable au sein de Société Générale en Suisse

Deia Markova, comment le secteur du commerce des matières premières a-t-il évolué ces dernières années ?

Nous assistons à un changement historique, à savoir la transition d'un système énergétique principalement basé sur les énergies fossiles vers un système énergétique à forte consommation de matériaux. En effet les technologies, essentielles à la transition énergétique, sont à forte intensité minérale et nécessitent de grandes quantités de métaux de base et de niche. En parallèle, les engagements en faveur de l'objectif « zéro émissions » sont plus rapides que la mise en place de chaînes d'approvisionnement, de mécanismes de marché, de modèles de financement et d'autres solutions nécessaires pour faciliter le processus de décarbonisation du monde. L'ensemble du secteur sera mis à l'épreuve. Il devra fournir les nombreuses matières premières nécessaires à la transition énergétique, et devra également s'adapter à de nouvelles technologies et décarboner ses propres activités. Les solutions sont complexes et le rôle des banques est de les co-construire avec leurs clients et leurs partenaires.

Quelles sont les tendances actuelles que vous pouvez identifier ?

Il est vrai que la décarbonation est un sujet central pour notre industrie. Il y a aussi beaucoup de discussions sur la place de la technologie dans la transition énergétique. Pour moi, la technologie est avant tout un facilitateur de la transition énergétique, capable d’aider à faire pivoter le système actuel. De manière contre-intuitive, ce sont les solutions peu technologiques qui décarbonent le plus notre économie, mais ces solutions peuvent être plus efficaces grâce à l’usage de technologies avancées. 
Si l'on considère les sociétés de trading, les émissions de portée 1 et 2 (émissions directes, liées à l’activité de la société) peuvent souvent être mesurées assez facilement. La mesure des émissions de portée 3 (émissions indirectes) couvrant l'ensemble de la chaîne de valeur est une tâche plus complexe. Cela implique la collecte de données d'activité requises, de facteurs d'émission appropriés, et peut représenter un effort significatif. À mon sens, c'est un domaine idéal pour une collaboration avec la technologie.

Quels sont les besoins de nos clients et comment pouvons-nous les aider ?

Permettez-moi de vous donner un exemple concret de la manière dont nous soutenons le processus de décarbonation de plusieurs de nos clients du secteur du négoce de matières premières, en utilisant la technologie de manière très pragmatique et innovante. Nous travaillons en collaboration avec CarbonChain et nos clients, en utilisant des technologies de big data et de machine learning, pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre de certains flux commerciaux via une cartographie de l’ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Cette cartographie donne à nos clients et à nous-mêmes une meilleure compréhension et davantage de transparence quant à l'empreinte carbone actuelle de leur entreprise, et ce à chaque étape d'une transaction (dans l'entrepôt, dans le port, sur le navire...). Elle permet également d’obtenir les niveaux d'auditabilité et de comparabilité avec des indices de référence nécessaires. Nous avons lancé ce projet car les données pertinentes n’existaient pas. Il s'agissait de la première étape critique pour mettre en œuvre les ambitions de réduction de l’empreinte carbone de nos clients. Sur la base de ces résultats, nous avons mis en place des indicateurs clés de performance basés sur les feux tricolores de CarbonChain (vert, orange, rouge), qui sont attribués à chaque transaction en fonction de sa performance par rapport aux références du secteur pour la matière première concernée. Par exemple, une transaction de cuivre dont l'intensité de carbone est 20% plus performante (inférieure) que celle de la référence du secteur se voit attribuer un feu vert. Toutes les émissions du processus de production sont prises en compte, de la mine au produit fini. Ainsi, les indicateurs clés de performance couvrent les sources les plus importantes et les plus pertinentes d'émissions et de risques climatiques, tout au long des étapes de la chaîne d'approvisionnement commerciale.
Pour valider deux des indicateurs de performance majeurs, nos clients doivent augmenter la proportion de transactions ayant obtenu un feu vert et diminuer la proportion de transactions ayant reçu un feu rouge ou orange dans l'ensemble de leur portefeuille commercial - et pas seulement pour les transactions financées par Société Générale. C'est un processus qui se déroule sur le long terme, il peut parfois s’avérer complexe, mais nous restons engagés dans l’accompagnement de nos clients dans le chemin qui les mènera vers la décarbonation.