Investir en Chine : cycles à court terme, potentiel à long terme
La Chine est-elle encore un bon endroit où investir ? C’est une question que de nombreuses multinationales et investisseurs étrangers se sont posée ces deux dernières années.
La réponse est « oui », si vous pouvez regarder au-delà du court terme, soutient Charles Cheng, Président de Société Générale en Chine, qui affirme que la Chine a traversé une série de cycles économiques et politiques au cours des 70 dernières années et en est toujours sortie plus forte.
Il est vrai que le pays est actuellement confronté à un ensemble de défis qui vont probablement définir les années, voire les décennies, à venir : du ralentissement de l’économie au vieillissement de la population en passant par les questions environnementales. Mais la Chine n’est pas la seule à devoir s’attaquer à ces sujets, et aussi complexes qu’elles puissent être, nombre de ces questions créent également des opportunités pour les entreprises qui peuvent les aborder avec des idées et des technologies nouvelles.
En parallèle, les bases et les opportunités qui ont soutenu la réussite économique de la Chine depuis le début de son ouverture dans les années 1980 sont toujours en place. Il y a l’énorme marché intérieur du continent, avec près de 400 millions de consommateurs de la classe moyenne, et la Chine parvient également à identifier et à soutenir l’émergence de nouvelles industries de croissance chaque année, dont beaucoup ont le potentiel de devenir des leaders mondiaux. Ainsi, si les investisseurs étrangers peuvent souhaiter repenser les secteurs sur lesquels se concentrer, l’attrait de la Chine, à la fois comme marché et comme base manufacturière, reste puissant.
En matière de politiques, la « prospérité commune » du président Xi Jinping a souvent été mal comprise, surtout en dehors de la Chine, explique M. Cheng. Son objectif principal est de réduire les inégalités économiques en atténuant l’écart entre les riches et les pauvres dans le pays. Mais l’accent est moins mis sur la redistribution des richesses existantes que sur la recherche de nouveaux moyens d’accroître les richesses pour tous : après tout, il ne peut y avoir de prospérité commune sans prospérité initiale.
Si la Chine y parvient, la « prospérité commune » pourrait débloquer le financement d’un tout nouveau groupe d’industries et de technologies émergentes, ainsi que le financement de soins de santé publics et de services sociaux moins chers et de meilleure qualité. Cela devrait à son tour donner aux ménages la confiance nécessaire pour réduire les taux d’épargne traditionnellement élevés, soutenant ainsi la croissance des dépenses intérieures pour les années à venir.
Cela laisse entrevoir des possibilités de croissance pour les équipements et services de santé, ainsi que pour les assurances et les services financiers en général. Non seulement le pays continue de réformer et d’ouvrir ses marchés de capitaux, mais si la Banque mondiale reclasse la Chine du statut de marché émergent à celui de pays à revenu élevé d’ici 2025 ou avant, le pays attirera une toute nouvelle catégorie de capitaux étrangers, déclare Hugues de La Marnierre, Responsable Pays Groupe et Directeur général de Société Générale en Chine.
Dans le domaine de la technologie, à l’instar de l’évolution d’Amazon, il est probable que des entreprises comme Tencent et Alibaba passent d’une orientation purement consumériste à des services cloud ainsi qu’à l’intelligence artificielle et à la conduite autonome. Les infrastructures resteront un élément important de l’économie, mais l’accent sera mis sur les énergies propres et les projets axés sur les critères ESG. Un exemple récent est la croissance de l’énergie solaire distribuée, installée sur les toits des villes par une société détenue en partie par la société française TotalEnergies et financée par Société Générale.
Certes, la Chine est confrontée à des défis à plus court terme. Le plus urgent, selon Wei Yao, cheffe économiste et directrice de la recherche pour l’Asie-Pacifique chez Société Générale, est de savoir comment désendetter le marché immobilier. Ce secteur - y compris les interconnexions en amont et en aval - représente une part considérable de l’activité économique (30 %) et les entreprises sont encouragées à recycler les capitaux dans des secteurs plus productifs tels que les industries manufacturières et environnementales de pointe. De même, les consommateurs devraient équilibrer leur patrimoine immobilier en investissant davantage dans des obligations et des actions, note M. de La Marnierre. Le gouvernement chinois est parfaitement conscient des risques et tente de dégonfler la bulle immobilière avant qu’elle n’éclate.
D’autres freins à l’économie, même s’ils sont mis en œuvre pour les bonnes raisons, seront l’accélération de la décarbonisation, car elle oblige les ménages et les entreprises à payer pour réduire la pollution, et la nécessité, à moyen terme, de s’attaquer aux dettes excessives des collectivités locales. Dans le même temps, le durcissement des règles applicables aux entreprises de technologie et d’enseignement privé a frappé ces secteurs, tandis que le durcissement général des réglementations a rendu plus difficiles les introductions en bourse et les opérations de fusion et d’acquisition, en particulier au niveau international.
Bien que tout cela soit susceptible de ralentir la croissance du PIB à environ 5 % en 2022 (contre un rebond de 8 % l’année dernière), Mme Yao affirme que ce qui compte le plus pour la Chine à long terme, c’est l’amélioration de la qualité de la croissance. Et tant que les décideurs politiques peuvent séquencer leur traitement des différents défis, en les relevant un par un et au fil du temps, ils devraient être en mesure de les gérer.
Les investisseurs semblent d’accord et, bien que l’afflux de fonds internationaux ait ralenti au cours de l’année 2021, selon les données de la CEIC, ils sont restés résolument positifs depuis une ruée (mondiale) vers les liquidités lors de la première vague de Covid-19 au printemps 2020. Dans le même temps, les investissements directs étrangers (IDE) devraient dépasser 1 000 milliards de RMB (157 milliards de dollars) en 2021, un nouveau record, dont une part croissante provient d’autres régions d’Asie. Sur la base de ces chiffres, il semblerait que l’avenir de la Chine en tant que destination d’investissement à long terme reste attrayant.