Décarboner les portefeuilles sans compromettre la performance

05/10/2022

Alors que les gérants d’actifs sont de plus en plus fortement incités à décarboner leurs portefeuilles d’investissement, de nouvelles boîtes à outils carbone innovantes et tournées vers l’avenir montrent qu’il est possible de le faire sans freiner la performance.

Partout dans le monde, les régulateurs financiers et les associations du secteur contribuent à davantage de transparence sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) à mesure que les actions s’intensifient pour lutter contre le changement climatique. Récemment, en mars 2022, la Securities and Exchange Commission a proposé une nouvelle série de règles de déclaration des émissions de carbone pour les entreprises publiques américaines, ce qui a constitué un grand pas en avant vers la normalisation des reportings liés au climat pour les investisseurs.

Les catastrophes météorologiques ont suscité une prise de conscience, exerçant une pression commerciale sur les gérants d’actifs pour les inciter à investir largement dans des entreprises « vertes », dont l’empreinte carbone est faible ou en diminution. En 2021,  près de 42,4 % des fonds vendus en Europe ont été commercialisés sous les deux labels verts du Règlement sur la communication financière durable (article 8 et article 9), alors que le règlement n’était entré en application que plus tôt dans l’année. 1

En effet, les sociétés de gestion d’actifs demandent à leurs gérants de faire en sorte de réduire l’exposition globale des fonds au carbone. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat publié en avril 2022 renforce le sentiment d’urgence en affirmant que l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C ne pourra être atteint qu’en procédant à des réductions immédiates et significatives des émissions.

« Nous savons que les dirigeants des sociétés de gestion d’actifs ont demandé que l’empreinte carbone soit réduite dans les années à venir, avant que de nouvelles réglementations finissent par l’exiger », explique Pierre Bergeron, Stratège Cross Asset & Obligations vertes chez Société Générale CIB. 

Des scores carbone dans toutes les catégories d’actifs

Les gérants d’actifs sont toutefois face à un dilemme : comment réduire les émissions de carbone sans freiner la performance des investissements ? Les tendances actuelles des marchés d’actions illustrent bien le problème. Avec la flambée des prix du pétrole et du gaz, les cours des actions des entreprises qui extraient des combustibles fossiles surperforment l’ensemble des marchés d’actions. Le simple fait de retirer ces actions des portefeuilles, ou même de réduire leur pondération, n’est pas sans conséquence en termes de performance.

Pour analyser les arbitrages nécessaires, les investisseurs font de plus en plus appel à des experts ESG spécialisés pour les conseiller sur les stratégies d’investissement durable. C’est là qu’interviennent Société Générale et son équipe de recherche ESG. Dans le cadre de son programme de recherche « Invest Without Carbon » (Investir sans carbone) , l’équipe a créé un groupe de travail dédié afin de développer des boîtes à outils carbone tournées vers l’avenir - la boite à outils pour l’emprunte carbone pour les actions et obligations d’entreprises et  boite à outils pour l’emprunte carbone des obligations d’états - afin de permettre aux gérants de portefeuille de réduire leur exposition au carbone tout en maintenant les niveaux de performances et de risques attendus, ou du moins en sachant quelles concessions cela impliquera. 

Pour obtenir le score le plus précis possible, Société Générale s’est associée à l’expert en carbone S&P Trucost, dont les données sont utilisées par d’autres fournisseurs, tels que Bloomberg et SBTi. L’autre partie du groupe de travail est constituée d’économistes et d’analystes sectoriels de la recherche Cross Asset de Société Générale, qui fournissent des avis d’experts sur les indicateurs et prévisions économiques des pays clés et sur les stratégies sectorielles de réduction du carbone. 

Boîte à outils pour decarboner les actions et les obligations d’entreprises

La boîte à outils pour l’emprunte carbone pour les actions et obligations d’entreprises permet d’évaluer les émissions de carbone passées, présentes et futures dans les portefeuilles d’actions et de crédit en notant la performance environnementale des entreprises européennes. Couvrant plusieurs classes d’actifs, la Boîte à outils carbone pour les  entreprises de Société Générale attribue aux actions, obligations et instruments dérivés des scores carbones basés sur quatre indicateurs sous-jacents : deux indicateurs quantitatifs (intensité carbone et trajectoire de température) et deux indicateurs qualitatifs (score environnemental de Société Générale et notation des analystes de Société Générale). 

Pour ce faire, l’équipe d’experts de Société Générale a travaillé à la création de deux séries de données : le score environnemental rétrospectif, qui couvre un périmètre plus large que les seules émissions de GES, et le score « d’impact » prospectif, qui mesure la qualité et l’efficacité des stratégies mises en œuvre par les entreprises en vue de réduire leurs émissions futures. Les quatre critères de la boîte à outils servant à calculer le score carbone sont équipondérés, un score élevé signifiant que l’entreprise a une performance environnementale globalement supérieure.

Prenons le secteur du pétrole et du gaz. L’outil attribue à BP, la compagnie pétrolière et gazière britannique, un score carbone supérieur à celui de ses concurrents européens. Cela est principalement dû à sa note d’alignement de température, qui tente de traduire la trajectoire future des émissions de GES de l’entreprise. L’exposition plus importante de BP à la production de gaz naturel, ses investissements dans des activités renouvelables et son approche de gestion plus active lui permettent d’atteindre plus facilement cet objectif de réduction des émissions que ses concurrents, d’où sa meilleure note.

Boîte à outils pour decarboner les obligations souveraines

La boîte à outils pour l’emprunte carbone des obligations d’états, qui emploie une méthodologie unique pour évaluer les obligations souveraines, s’appuie sur les émissions de gaz à effet de serre au niveau national. Les emprunts d’État représentent une catégorie d’actifs importante au sein des titres obligataires et sont fortement exposés aux risques énergétiques et climatiques. Alors que par le passé les emprunts étatiques étaient exclus du point de vue du risque carbone et du reporting,   la boite à outils pour l’emprunte carbone des obligations d’états de Société Générale fournit des informations prospectives pour aider les investisseurs à mesurer, comprendre et gérer les risques liés au changement climatique intégrés dans leur portefeuille d’obligations souveraines via trois piliers principaux :

• mesure de l’empreinte carbone de l’émetteur souverain - réapplication de la méthodologie et définition du périmètre des émissions pour inclure les gaz à effet de serre dans leur ensemble au lieu de se concentrer uniquement sur le CO2 ;
• élaboration de prévisions exclusives - en s’appuyant sur les prévisions exclusives des économistes de Société Générale sur les émissions et le PIB des pays au cours de la prochaine décennie ;
• score carbone agrégé de Société Générale - combinant des critères historiques et prospectifs qui reflètent à la fois la performance carbone de l’émetteur souverain et la mise en œuvre de mesures de réduction des émissions.

Ajustement des portefeuilles

L’utilisation des boîtes à outils carbone permet de calculer un score carbone pour chaque émetteur d’un portefeuille ainsi que pour l’ensemble du portefeuille. Les clients peuvent alors décarboner efficacement leurs portefeuilles en choisissant de remplacer les actions, les obligations ou les instruments dérivés mal notés par ceux qui obtiennent un bon score. Grâce aux prévisions de performance fournies par l’outil, ils peuvent juger des impacts sur l’investissement en termes de rendement. 

Les prévisions de l’outil sont également adaptées en fonction des différentes catégories d’actifs. Dans le cas des obligations, par exemple, il présente des prévisions de rendement, notamment le spread futur. L’autre avantage possible de cet outil est que la performance peut être corrélée à l’empreinte carbone. « Nous pensons que le marché sera sensible à l’analyse de l’empreinte carbone lors de l’évaluation des actifs, en particulier pour le marché obligataire, qui est moins liquide que le marché d’actions », souligne Pierre Bergeron. « Si une entreprise a une empreinte carbone importante, cela aura un impact significatif sur les prix des obligations et le spread obligataire. »

« Selon nous, pour parvenir à des réductions significatives d’émissions, de grands changements sont nécessaires. Tous les secteurs d’activité, notamment l’électricité, l’agriculture, le logement et l’automobile, , doivent s’adapter aux effets du changement climatique.  Avec ces nouvelles boîtes à outils, les investisseurs peuvent prendre des décisions plus éclairées afin de s’assurer d’avoir un portefeuille plus vert sans sacrifier leurs rendements. Il s’agit de combiner l’analyse environnementale et les prévisions de performance des investissements», ajoute Pierre Bergeron.

Bien que certains grands gérants d’actifs puissent effectuer cette analyse en interne, d’autres ne disposent pas des ressources nécessaires, mais tous doivent trouver un moyen de décarboner les portefeuilles d’investissement. Avec la COP27 dans quelques semaines, événement qui inclura une journée thématique sur la finance et le climat, le rôle de l’industrie financière dans la lutte pour climat sera mis en avant. Les gérants d’actifs seront donc de plus en plus fortement incités à réduire le carbone tout en limitant toute incidence sur la performance.

Pour en savoir plus sur les boîtes à outils (en anglais uniquement):

The_corporate_carbon_toolbox_SG.PNG SG_Sovereign_Carbon_Toolbox.PNG

1 Source: Morningstar. Fonds SFDR Article 8 et Article 9 : revue de 2021. 4 février 2022.