Décrypter les crypto : L’adoption institutionnelle des actifs digitaux pourrait bien réinventer la finance

18/05/2022

Peu d’innovations financières ont captivé l’imagination du public autant que les cryptomonnaies. Lorsque le bitcoin est né dans la tourmente de la crise financière mondiale de 2009, il semblait plutôt banal : un système de paiement électronique de pair-à-pair, lancé par un livre blanc universitaire d’un auteur anonyme, Satoshi Nakamoto. Son prix était de 0 dollars US.

À peine une décennie plus tard, un bitcoin vaut bien plus que 30 000 dollars1. Il y a plus de 19 000 cryptodevises en circulation et leur valeur cumulée avoisine les 1 800 milliards de dollars, après avoir dépassé les 3 000 milliards de dollars il y a quelques mois seulement2. Le Salvador a récemment adopté le bitcoin comme monnaie légale ; certaines entreprises - notamment Microstrategy et Tesla - ont converti une partie de leur trésorerie en cryptomonnaies ; et plus de 300 millions de personnes3 dans le monde en posséderaient, avec des histoires folles circulant sur les fortunes amassées et perdues.  

Pourtant, nous ne sommes qu’au début du processus d’adoption, estime Laurent Marochini, Responsable de l’innovation chez Société Générale Securities Services au Luxembourg. Le véritable potentiel des cryptodevises et de leur technologie bitcoin sous-jacente se manifestera au fur et à mesure qu’elles se répandront au-delà du marché des particuliers et seront largement adoptées par les institutions, venant perturber et remodeler des secteurs entiers - à commencer, bien sûr, par le secteur de la finance lui-même.

Une partie de cette évolution est déjà en cours, notamment aux États-Unis, où Wall Street est en train de proposer un nombre croissant d’offres de crypto-actifs au sein de la gestion de patrimoine, du trading et même de la banque d’investissement après des années de résistance. Il est possible de négocier des options et des contrats à terme cotés en bourse sur certaines monnaies numériques bien connues au Chicago Mercantile Exchange, tandis que Goldman Sachs a négocié ses premières options de gré à gré sur bitcoin en mars dernier. Parallèlement, BlackRock a participé le mois dernier au tour de financement de 400 millions de dollars de l’émetteur de cryptomonnaies stables, Circle, et de nombreux gérants d’actifs prévoient des fonds en cryptomonnaies pour répondre à la demande des investisseurs plus jeunes et plus avertis4

L’Europe se montre plus prudente, à l’exception de la Suisse. Bruxelles a commencé à mettre en place un cadre juridique avec le Règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA : Markets in crypto-assets), qui devrait entrer en vigueur en 2023, et le régime pilote, pour expérimenter les jetons d’authentification. Cela encourage le secteur privé à envisager autres chose que le simple trading et les placements dans les cryptodevises pour développer les jetons d’authentification. Pour rappel, les jetons d’authentification (ou titres tokenisés) sont des formes numériques de titres traditionnels - comme les actions, les obligations ou les prêts - qui vivent sur une blockchain. 

Bien qu’ils n’en soient qu’à leurs débuts, ces jetons pourraient devenir un énorme marché. En avril 2021, la Banque européenne d’investissement a émis une obligation crypto de 100 millions d’euros et, en avril dernier, l’assureur italien Generali a acheté une partie de cette obligation d’origine numérique sur le marché secondaire, en utilisant une blockchain publique.

Cette initiative traduit l’engagement de Generali Investments à adopter les nouvelles technologies émergentes, comme la Blockchain. Nous estimons que la numérisation des marchés de capitaux pourrait apporter des avantages importants dans les prochaines années et transformer radicalement l'industrie de la gestion d'actifs, dans la relation avec les clients et dans les processus des entreprises, déclare Edoardo Maestri, Responsable de l'Innovation et de la Transformation chez Generali Asset & Wealth Management. Nous sommes ravis de compter parmi les premiers acteurs européens dans ce domaine.

L’opération a été réalisée à l’aide de l’infrastructure blockchain d’Ethereum, dont l’ether arrive juste après le bitcoin en termes de notoriété et de capitalisation boursière. Elle a été organisée par la filiale de Société Générale, Société Générale Forge, qui est l’un des leaders dans ce domaine, ayant à ce jour tokenisé trois obligations et un certificat de produit. Société Générale a même coté certaines de ces émissions à la bourse du Luxembourg, contribuant ainsi à la refonte de son règlement. La décision de nombreuses banques centrales d’émettre des monnaies numériques contribuera également à développer le marché des jetons d’authentification. Mis bout à bout, l’effet combiné de toutes ses évolutions n’est rien de moins que la création d’une nouvelle classe d’actifs. 

Comme indiqué, la croissance et l’intérêt massifs pour les crypto-actifs- tant les monnaies que les jetons - incitent les gérants d’actifs à rechercher une exposition à ces actifs. Selon Marochini, cela exigera ensuite que des filières entières s’adaptent. Les banques et les courtiers qui offrent leurs services aux gérants d’actifs en sont un exemple. L’administration d’un fonds de crypto sera très différente de celle d’un fonds d’actions ou d’obligations traditionnel : certaines fonctions, comme la gestion des souscriptions et des rachats, seront toujours nécessaires, mais le rôle de conservateur et de teneur de compte pourrait bien changer si chaque opération est enregistrée sur la blockchain. Et la valorisation d’un bitcoin qui se négocie sur de multiples bourses de cryptomonnaies privées et qui peut être échangé en fractions aussi petites que 100 millionièmes d’un seul bitcoin, pose toute une série de nouveaux défis. 

La clé est de se réinventer - d’anticiper la perturbation au lieu de se laisser surprendre, déclare Marochini et certains grands acteurs des services titres, comme Société Générale, développent actuellement des solutions adaptées aux cryptomonnaies pour leurs clients de gestion d’actifs. Une réflexion radicale sera également nécessaire pour faire face aux implications environnementales des cryptomonnaies. Le système de validation par « preuve de travail » qui sous-tend la plupart des monnaies numériques consomme beaucoup de puissance de calcul et donc d’électricité. La gestion des émissions de carbone qui en découlent est donc une priorité, y compris pour les régulateurs, afin de contrer la critique croissante. 

La bonne nouvelle est que, pour le moment en tout cas, le marché des cryptomonnaies a su transformer chaque défi en opportunité. Même s’il mûrit et évolue vers une adoption institutionnelle plus large, il reste un écosystème décentralisé et innovant qui a le potentiel de rendre le secteur financier plus efficace.

Société Générale Securities Services est fier d’organiser la troisième édition de son European Investor Summit (EIS) le 8 juin 2022, aux Tours SG à Paris.
Veuillez vous préinscrire pour confirmer votre participation : https://www.securities-services.societegenerale.com/fr/insights/agenda/agenda/news/european-investor-summit-2022/
 

 

 

1-  coinmarketcap.com/currencies/bitcoin/
 2- news.climate.columbia.edu/2022/05/04/cryptocurrency-energy/
 3- triple-a.io/crypto-ownership/
 4- www.bloomberg.com/news/articles/2022-04-12/blackrock-fidelity-back-circle-in-400-million-funding-round