Chute de la natalité en Chine : comment échapper à la bombe à retardement démographique

08/02/2023

Sur le moteur de recherche chinois Baidu, les recherches concernant les poussettes ont chuté de 40 % depuis 2018, celles de biberons d’un tiers. Dans le même temps, les recherches concernant les établissements pour personnes âgées ont été multipliées par huit l’année dernière.

Cette tendance est désormais confirmée. En 2022, la population chinoise a reculé de près de 850 000 personnes, pour atteindre un peu plus de 1,41 milliard d’habitants1. Les naissances ont chuté et le taux de mortalité a augmenté. C’est la première baisse depuis 1961, année de famine dans le pays. L’Inde (où, par ailleurs, les recherches en ligne concernant les accessoires pour bébé progressent rapidement) devrait devenir le pays le plus peuplé du monde dès cette année.

Il ne s’agit pas là d’un simple trou d’air créé par la pandémie, mais bien d’un véritable tournant qui survient huit ou neuf ans plus tôt que prévu, ce qui a pour conséquences profondes un ralentissement de la croissance économique chinoise notamment et une probable hausse de l’inflation à l’échelle mondiale.

Comme le montrent le Japon et un nombre toujours plus grand de pays développés, la faiblesse démographique est presque impossible à inverser via des politiques publiques. Et ne serait-ce que la contenir reste très difficile. Il est donc essentiel que Pékin  se mobilise pour atténuer les répercussions économiques du vieillissement rapide de sa population.

L’allocation du capital est primordiale

Face à la réduction de la main-d’œuvre, la hausse de la productivité est donc de plus en plus critique, affirme Wei Yao, Responsable de la recherche et Chef économiste pour la région Asie-Pacifique, Société Générale.

Premièrement, le principal obstacle à la hausse de la productivité est l’inefficacité de l’allocation du capital. En Chine, au cours de la dernière décennie, la croissance s’est effectivement faite au détriment de la productivité. En effet, les secteurs public et privé ont, grâce à la dette, massivement investi dans toute une série de projets de construction et d’infrastructures à faible rendement, qui représentent aujourd’hui plus d’un tiers de l’économie.

Cette année, le probable rebond du marché immobilier (ainsi que la fin de la politique de « zéro COVID ») stimulera la croissance du PIB chinois. Société Générale prévoit d’ailleurs une croissance de 5,8 %, contre à peine 3 % en 2022. Toutefois, à plus long terme, il faudra déplacer les capitaux alloués à la construction de nouveaux immeubles résidentiels ou d’aéroports régionaux vers des secteurs plus productifs, tels que la technologie et la santé. Pour y parvenir, la manière dont ces capitaux seront libérés d’une dette de construction sous-performante massive est tout aussi cruciale.

Le gouvernement a parfaitement conscience de la nécessité de ce virage. Cependant, au-delà d’allouer des capitaux à d’autres secteurs, il doit continuer à faire partie intégrante des chaînes d’approvisionnement mondiales, et apaiser les tensions avec les États-Unis et l’Occident (du moins jusqu’à ce que le pays soit  plus auto-suffisant dans des domaines tels que les puces électroniques).

Deuxièmement, la Chine doit investir dans le capital humain. L’éducation, si son niveau est bon, reste extrêmement chère. C’est l’une des raisons pour lesquelles les familles ne s’agrandissent pas malgré la fin de la politique de l’enfant unique :  les parents craignent de ne pas être en mesure de subvenir aux besoins d’autres enfants.

Une part de mystère

Le troisième élément de la croissance économique est la productivité totale des facteurs. Cette « part de mystère », comme le décrit Wei Yao, cherche à quantifier la manière dont l’utilisation de la technologie stimule la croissance économique et accroît l’efficacité. Cette notion inclut toutefois également l’application des mécanismes du marché et la confiance de la population. La Chine, qui se situe à mi-chemin entre une économie planifiée et une économie purement capitaliste, dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour améliorer les mesures incitatives, élargir les contours de son secteur privé et renforcer ses marchés des capitaux, autant de facteurs qui devraient bel et bien porter leurs fruits.

Trouver un nouvel équilibre au profit d’une consommation plus durable

Cependant, améliorer la productivité des investissements ne suffit pas, puisqu’il ne s’agit que de l’offre. Pour rendre ce modèle de croissance plus durable, la Chine a annoncé, fin 2022, sa volonté d’accroître la consommation nationale. La création d’un filet de sécurité social est elle aussi une nécessité. Celui-ci devrait inciter les ménages à dépenser une partie de leur épargne très conséquente, qui a atteint plus de 100 % du PIB pendant la pandémie.

Si les ménages sont suffisamment confiants pour dépenser, cela contribuerait au rééquilibrage de l’économie tant attendu : actuellement, l’investissement représente encore plus de 40 %, contre 25 à 30 % dans les pays développés2, tandis que les dépenses des ménages ne comptent que pour 2/5e3.

Malgré des progrès considérables puisque la quasi-totalité des travailleurs actuels et des retraités ont maintenant droit à une pension et à des soins médicaux quasi universels, les revenus sont pour le moins inégaux et varient d’une province à l’autre et entre les citadins et les ruraux. La création d’un système de sécurité sociale équitable et résilient est en cours et, même si cela prendra plusieurs années, le but ultime doit être la réduction de ces disparités.

Les Chinois ne dépenseront une partie de leur « bas de laine » que lorsqu’ils se sentiront plus en confiance et en sécurité. Le déclic ne s’est pas encore produit : en 2023, alors qu’il est de nouveau possible de voyager, Société Générale estime que le « revenge spending » n’absorbera qu’un quart de l’épargne excédentaire accumulée ces deux dernières années.

Une politique avisée et un environnement de marché favorable pourraient permettre à l’économie de maintenir une croissance d’environ 4 % par an au cours de la prochaine décennie et de 3 à 3,5 % par la suite. Un contraste apparent avec les décennies précédentes qui suffirait néanmoins à doubler la taille de l’économie en 15 ans, alors même que le point de départ est déjà notable. Si la Chine suit cette trajectoire, elle devrait atteindre son objectif : devenir un pays à revenu élevé à l’horizon 2035 et échapper au désastre démographique que beaucoup prédisent.

Restez informé des dernières actualités de la Recherche sur SG Markets.

 

photo wao

 

 

1- http://www.stats.gov.cn/english/PressRelease/202301/t20230117_1892094.html 

2- https://www.ceicdata.com/en/indicator/china/investment--nominal-gdp 

3- https://www.ceicdata.com/en/indicator/china/private-consumption--of-nominal-gdp