Quels sont ces vents favorables inattendus sur les marchés américains ?

24/05/2024

Malgré les tensions économiques mondiales et les risques géopolitiques, les marchés financiers américains sont en plein essor. Pourquoi ? Réponse avec Solomon Tadesse, Responsable de la Recherche quantitative actions au sein de Société Générale Amériques.

Comment expliquer une telle énergie dans les achats d’actions américaines malgré les nombreux vents contraires apparents ?  

Il y a plusieurs facteurs. Les deux principaux relèvent de l’anticipation de l’’assouplissement monétaire de la Fed et de l’enthousiasme des investisseurs à l’égard des secteurs émergents tels que l’intelligence artificielle.  

Il faut toutefois mentionner un autre facteur positif important pour les marchés américains, qui suscite moins d’attention. Il s’agit de l’abondance des liquidités injectées sur le marché par de nombreuses banques centrales pendant la pandémie de COVID-19 pour atténuer l’impact économique du confinement mondial. Ces liquidités n’ont pas diminué de manière significative depuis la pandémie, comme en témoigne le niveau record actuel des réserves bancaires.  

L’impact positif de cette liquidité de financement sur les marchés américains est visible dans la croissance quasi parallèle des réserves bancaires et de l’indice S&P 500 depuis la crise financière de 2008 et plus encore depuis la pandémie (respectivement 103 % et 115 %).  

Comment évaluez-vous l’état de la liquidité de financement sur le marché ?  

La liquidité du financement est généralement évaluée en fonction de la facilité d’accès et de la disponibilité du crédit au sein du secteur bancaire traditionnel. Cependant, une grande partie de l’intermédiation de crédit est désormais dominée par des entités non bancaires, y compris des courtiers-négociants (« broker-dealers ») opérant au-delà du secteur bancaire traditionnel – un système parallèle appelé « shadow banking ». 

Par conséquent, les bilans de ces intermédiaires de crédit peuvent fournir des informations précieuses sur les conditions de liquidité sous-jacentes du système et sont donc utiles pour évaluer l'orientation potentielle des prix des actifs. 

En période financière saine, les conditions de liquidité et de crédit sont faciles et les bilans des intermédiaires ont tendance à augmenter en raison de l’amélioration des valorisations des actifs existants et de la solide création de nouveaux crédits. En période financière difficile, la liquidité est restreinte et les bilans se contractent souvent en raison de la détérioration de l’octroi de crédit et de la baisse des valorisations des actifs. Ainsi, les rendements des actifs semblent généralement corrélés à la solidité du bilan des intermédiaires.  

Compte tenu de l’incertitude économique actuelle entourant l’assouplissement monétaire et les tensions géopolitiques, il faudra surveiller de près les bilans des intermédiaires afin de mieux évaluer l’état de la liquidité de financement sur le marché et la solidité globale de l’économie.  

Rien ne dure éternellement. Selon vous, quels sont les signes les plus menaçants pour les marchés américains ? 

La montée des risques géopolitiques en Europe et au Moyen-Orient et l’intensification des tensions économiques mondiales entre les États-Unis et la Chine sont deux éléments à surveiller. Une inflation persistante et des rendements plus élevés pendant plus longtemps sont également des obstacles susceptibles d’inverser la tendance.  

Toutefois, malgré la présence de ces risques, les marchés financiers restent solides. Il est intéressant de noter que la hausse la plus récente des marchés intervient dans un contexte de politiques de resserrement quantitatif visant à drainer les liquidités excédentaires du système. Comme je l’ai dit, nous n’avons pas observé d’impact négatif sur les réserves des banques ces dernières années, mais plutôt une augmentation de la liquidité depuis le début des politiques de resserrement quantitatif. Ainsi, le pic de liquidité atteint à la fois dans le secteur bancaire traditionnel et dans le « shadow banking » du fait de l’expansion de leur bilan constitue un signal d’avertissement pour les actifs risqués à l’avenir.