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L’industrie automobile en pleine transition : cap sur l'électrification et les véhicules autonomes
Par nos experts Nicolas Sanson, Responsable Automotive and Mobility au sein de la division Investment Banking de Société Générale, et Christophe Hadjal, Responsable Europe du secteur Batteries, Mines et Industries de Société Générale.
Le secteur automobile traverse actuellement une transformation majeure et complexe, impactant profondément les économies et l'emploi. L'Asie, avec la Chine en première ligne, renforce sa part de marché, alors que certains acteurs du marché en Europe doivent adapter leur configuration industrielle et subissent une réorganisation majeure.
Cette transformation est largement motivée par le passage à l'électrification, un mouvement encouragé par les politiques publiques visant à réduire les émissions de carbone. Les gouvernements du monde entier mettent en place une série d'incitations et de sanctions avec un double objectif : promouvoir l'adoption de véhicules électriques et favoriser le développement d'écosystèmes industriels nationaux avec une approche basée sur la chaîne de valeur (rien qu'en Europe, le secteur automobile représente 13 millions d'emplois).
L'émergence de nouveaux leaders du marché
En Chine, le virage vers l'électrification a propulsé BYD parmi les fabricants d'équipements d'origine (FEO) les plus performants, tandis que Tesla, originaire des États-Unis, a été le FEO le plus valorisé pendant plusieurs années, affichant une capitalisation boursière de 1 trillion de dollars (Toyota, le deuxième FEO le plus valorisé, se situe à 250 milliards d'euros). En Europe, les FEO ont fait des progrès dans leurs stratégies d'électrification, avec une hausse des ventes des véhicules électriques. Cependant, les marges bénéficiaires sont sous pression, ce qui a déjà conduit à l'annonce de fermetures d'usines.
Nous anticipons une intensification de la concurrence en Europe, car certains FEO chinois prévoient d'ouvrir des usines en Europe dans les prochaines années pour mieux répondre au marché européen des véhicules électriques. La stratégie de certains FEO chinois d'augmenter leur volume en Europe est motivée par une concurrence féroce sur leur marché intérieur, tandis que le marché américain pourrait ne plus leur être accessible.
Dans cet environnement en rapide évolution et aux multiples facettes, les gouvernements européens pourraient envisager de recalibrer leurs objectifs et stratégies en matière de véhicules électriques, qui pourraient à court terme s'éloigner des attentes initiales d'une pénétration plus rapide et linéaire.
Explorer les alternatives : les véhicules à hydrogène
L'objectif d'électrification pourrait être atteint grâce aux véhicules électriques et potentiellement aux véhicules à hydrogène, progressivement, dans la seconde moitié de cette décennie. Actuellement, les véhicules à hydrogène sont adaptés à des applications spécifiques telles que les chariots élévateurs, les bus, les véhicules utilitaires légers et sont présents dans certaines régions comme la Chine et, à un degré moindre, l'Europe. Les coûts sont en baisse mais restent prohibitifs pour les véhicules destinés aux particuliers. Néanmoins, certains FEO, dont Toyota, Stellantis, BMW et Hyundai, continuent d'investir dans ce domaine.
La promesse de la conduite autonome
Les accidents de voiture causent 1 million de victimes chaque année. La technologie de conduite autonome est envisagée pour réduire le taux d'accidents et offrir une expérience en voiture plus productive ou plus agréable. L'écosystème américain a investi massivement dans le logiciel pour les robots taxis, par exemple avec Waymo maintenant évalué à 45 milliards de dollars et un déploiement progressif prévu dans la seconde moitié de cette décennie. Parallèlement, les FEO, notamment les marques allemandes haut de gamme comme Mercedes, ont fait des avancées significatives dans la conduite assistée avancée, atteignant le niveau 3 pour certaines fonctions. Le niveau 3 signifie que les conducteurs peuvent momentanément retirer leurs mains du volant et détourner temporairement leur attention de la route. Comme le niveau 3 reste cher, la plupart des FEO se concentrent donc sur l'amélioration des systèmes de niveau 2 (niveau 2+) avant d'introduire le niveau 3 plus tard dans cette décennie. Les FEO occidentaux semblent être dans une position relativement solide en ce qui concerne cette technologie, bien que l'écart par rapport à la concurrence puisse se réduire dans les années à venir.
Le rôle des banques dans la transition
Pour les banques, et Société Générale en particulier, ce changement permet des opportunités business pour soutenir nos clients et nous aligner sur les meilleures entreprises et technologies. En 2023, nous avons conseillé Stellantis dans l'acquisition d'une participation dans Symbio, un fabricant de piles à combustible, et nous avons également conseillé Envision AESC sur le financement de leur gigafactory française à Douai. En 2024, nous avons conseillé Verkor sur le financement de projet pour leur gigafactory à Dunkerque et également Meridiam sur l'investissement dans Verkor, ainsi qu’Atawey sur l'acquisition de stations de recharge McPhy, et Altris (une entreprise suédoise de batteries au sodium-ion) sur sa série B. Nous conseillons également sur des thèmes plus larges de décarbonation et de levée de fonds en tant qu'agent de placement. Après la clôture du fonds hydrogène Hy24 de 2 milliards d'euros en 2022, nous avons atteint un jalon de levée de fonds pour le Fonds d'Accélération de la Décarbonation à 445 millions de dollars en capitaux propres levés, en tirant parti de l'expertise combinée des équipes equity de Société Générale à New York et à Paris.