La croissance exponentielle des centres de données

03/02/2025

Les centres de données (ou data centers) sont au cœur de la révolution numérique mondiale. Il n’a suffi que de quelques années pour que ce terme entre dans le vocabulaire courant, et il semble aujourd’hui impensable d’imaginer l’avenir sans data centers.

Leur origine remonte aux années 1940 et aux premiers systèmes informatiques militaires et gouvernementaux aux États-Unis. Ils se sont développés avec la progression rapide d'Internet, des emails, du streaming vidéo et des visio-conférences. Ils ont connu un nouveau pic de croissance avec l'essor des médias sociaux et donc du cloud computing. Et ils sont désormais inextricablement liés à la croissance exponentielle de l'intelligence artificielle, ou IA. 

Le volume total de données créées et consommées dans le monde devrait tripler pour atteindre plus de 180 zettaoctets dans les cinq années à venir, selon Statista. Un zettaoctet équivaut à un billion de gigaoctets, soit la capacité de stockage de 100 milliards d'iPhone haut de gamme. D'autres prévisions suggèrent une croissance tout aussi stupéfiante. 

En termes économiques, il s'agit d'un marché mondial de 400 milliards de dollars, estime Statista - bien que d'autres estimations soient plus basses - qui s'élargit à 100-150 milliards de dollars de nouvel investissement en capital par an, soit plus de 30 %. Et ce rythme ne semble pas ralentir, à en juger par les besoins de financement du secteur. 

Valtin Gallani, Responsable du groupe TMT Finance & Advisory chez Société Générale Amériques, déclare : "Notre pipeline se développe rapidement, et le taux de croissance ne ralentit pas et ne donne aujourd’hui aucun signe d’arrêt." 

Le taux de développement dans la région Asie-Pacifique, de 20 à 30% par an, correspond à celui de l'Amérique du Nord, ajoute Eugene Tan, Responsable de TMT Finance & Advisory chez Société Générale en Asie Pacifique, et ne montre aucun signe de ralentissement non plus. 

De la hype à l' « hyperscale »

Il existe globalement trois types d'entreprises qui construisent et exploitent des data centers. Les entreprises de télécommunications ou les plus petits fournisseurs 'Mom & Pop' ont pendant de nombreuses années construit des installations dites de « co-localisation » afin de permettre à un certain nombre d'entreprises, d'institutions financières et d'autres organisations d’héberger et d'utiliser leurs serveurs hors site sous un même toit. 

Bien que cette activité soit stable, quasiment toute la croissance récente du marché s’est concentrée dans des data centers plus grands (et de plus en plus, bien plus grands) utilisés par les « hyperscalers », qui dominent le cloud computing et investissent désormais massivement dans l'IA : Amazon, Google, Meta, Microsoft et Oracle aux États-Unis, mais aussi Alibaba et Tencent en Chine, et plus récemment, Nvidia et OpenAI. 

Dans 50 % des cas, les « hyperscalers » construisent leurs propres data centers, profitant de la profusion de cash et d'un coût de financement compétitif. Mais la construction n'est pas leur cœur de métier. 

Cela a conduit à l'émergence d'un groupe de constructeurs et d'opérateurs de data centers spécialisés : des entreprises comme Vantage, CloudHQ, AirTrunk, QTS, Equinix et d'autres, qui opèrent pour le compte de leurs clients géants de la tech et qui, comme eux, sont en grande partie originaires des États-Unis, qui dominent actuellement le secteur. 

Ces spécialistes trouvent les terrains appropriés, gèrent les permis et autorisations, installent les dernières technologies en matière de puissance et de refroidissement, voire même les connexions en fibre optique. En deux ans, si tout se passe bien, ils remettent à leur client une « coquille » (bâtiment) finie avec des salles de données aseptisées (l'espace 'blanc') et tout le reste (l'espace 'gris') entièrement opérationnel. 

Les « hyperscalers » installent alors leur matériel informatique dans l'espace blanc, dépensant souvent plusieurs fois le coût de la coquille. 

De plus en plus grand 

Il est difficile de décrire la taille et le coût de ces nouvelles infrastructures, dit M. Gallani. Son équipe avait l'habitude de financer et de conseiller principalement des installations de co-localisation dont la construction coûtait en moyenne 50 à 60 millions de dollars; au cours des 2-3 dernières années, l'équipe a principalement organisé le financement de projets de construction de data centers à plus de 800 millions de dollars, et parfois à plus de 3 milliards de dollars. Ces nouvelles installations de data centers sont construites sur mesure pour les grands loueurs que sont les « hyperscalers » comme Amazon et Microsoft qui travaillent sur l'IA et le cloud computing. L'équipe structure désormais des prêts de plus de 2 milliards de dollars, finançant des data centers qui se composent de plusieurs étages et parfois de plusieurs bâtiments - loués par un seul locataire « hyperscaler ». 

Le marché évolue aussi de différentes manières : l’entraînement des grands modèles de langage de l'IA ne nécessite pas la même latence que, disons, le trading à haute vitesse. Les opérateurs peuvent donc s'éloigner davantage des centres-villes pour s’installer dans des marchés secondaires, où le terrain et l'énergie sont moins chers. 

Au-delà de son coût, la seule disponibilité de l'énergie est sans doute devenue le problème principal du secteur, avec l'augmentation considérable de la demande que les data centers devraient générer - et l'état vieillissant de l’infrastructure de réseau dans de nombreux pays. Les grands « hyperscalers » ont également fixé des objectifs nets zéro stricts, compte tenu de l'impact environnemental de ces infrastructures. Ils ont non seulement besoin de beaucoup d'électricité, mais aussi d'électricité renouvelable. On notera que Microsoft, Google et Amazon ont tous conclu cette année des accords d’approvisionnement en énergie nucléaire, qu'ils considèrent à la fois comme propre et stable. 

D’immenses besoins de capitaux 

La capacité de trouver des sites appropriés et de mettre en place des connexions réseau rapides est une compétence clé des opérateurs spécialisés, note M. Gallani. Ce qui explique leur développement aussi rapide. Cela signifie aussi qu'ils ont d'importants besoins en capital. C'est pourquoi Société Générale travaille en étroite collaboration avec nombre de ces entreprises pour structurer leurs propres financements, qui se composent de plus en plus de prêts ou d’obligations verts et durables. 

Alors que ces opérateurs investissent lourdement aujourd’hui pour des retours qu'au cours de baux de 10 ou même 20 ans, une grande partie a traditionnellement été détenue par de la dette privée, et de plus en plus d’entre aux passent par les grands fonds d'infrastructure. L'acquisition de AirTrunk en Australie par l'entité d'infrastructure de Blackstone pour 16 milliards de dollars en est un exemple. Société Générale fournit des financements et des conseils sur de tels accords de fusion-acquisition et cherche à accroître sa part de marché déjà importante dans ce qui est l'un des secteurs à la croissance la plus rapide au monde.

Sur le même sujet :
•    Succès client: Accompagner le développement d'un leader des data centers en Europe
•    Vidéo : Libérer la puissance des données et de la connectivité - Aperçu sur une sélection de nos transactions 2024