
Carburant d’aviation durable : un indispensable pour diminuer les émissions de carbone du secteur de l’aviation
Le carburant d'aviation durable (CAD) peut être produit à partir de sources renouvelables et a le potentiel de décarboniser l'aviation sans nécessiter de changements d'infrastructure majeurs. Cependant, le marché fait face à des défis. Société Générale soutient activement l’émergence de l'écosystème du CAD en conseillant les développeurs sur le financement et en participant à des initiatives visant à promouvoir les carburants renouvelables dans l'aviation.
Par Caroline Quintart, Responsable adjointe EMEA Energy + Group et Vincent Caufourier, Responsable du Conseil en Aviation et Développement Durable
1) Qu'est-ce que le carburant d’aviation durable (CAD) et pourquoi en parle-t-on tant ? ?
Bien que l'aviation ne représente qu’un petit pourcentage des émissions mondiales de CO21, ses émissions sont en hausse, notamment avec la reprise des voyages aériens au niveau d'avant COVID. Au cours des 20 prochaines années, le trafic mondial de passagers devrait croître en moyenne de 3,8 % par an2.
Le secteur de l'aviation est particulièrement difficile à décarboner en raison des options limitées pour l'électrification. Les principaux leviers pour la décarbonation incluent le renouvellement des flottes avec des avions de nouvelle génération, l'optimisation des itinéraires de vol et la conception d'avions plus efficaces pour réduire la consommation de carburant. Cependant, la solution la plus immédiate et impactante est l’augmentation de la production de carburant d'aviation durable, CAD.
Le CAD désigne les carburants d'aviation produits à partir de sources non fossiles. Il inclue les bio-carburants produits à partir de matières premières renouvelables et durables contenant du carbone telles que les huiles usées, les résidus agricoles, la biomasse et l’alcool (également appelé bio-SAF), ainsi que les carburants synthétiques créés en convertissant de l'hydrogène à faible émission de carbone (produit par électrolyse de l'eau à l'aide d'électricité renouvelable) en e-kérosène, en le faisant réagir avec du CO2.
La décarbonation du carburant d'aviation peut s'effectuer sans modifications significatives des avions ou des infrastructures aéroportuaires, car la plupart des voies de production de CAD sont certifiées pour un mélange allant jusqu'à 50 % avec le carburant d'aviation traditionnel. L'Association internationale du transport aérien (IATA), qui représente plus de 80 % du trafic aérien mondial, estime que le CAD pourrait contribuer à environ 65 % de la réduction des émissions nécessaire pour que l'aviation atteigne des émissions nettes de CO2 nulles d'ici 2050.
2) Comment le marché du CAD se développe-t-il ?
En 2024, les volumes de production de CAD ont doublé pour atteindre 1 million de tonnes (soit 1,3 milliard de litres), mais cela ne représentait encore que 0,3 % de la consommation mondiale de carburant d'aviation3, ce qui est en deçà des projections antérieures. Le marché a récemment fait face à des défis en raison d'une grande incertitude économique et de la nature capitalistique des installations de production de CAD. Les annonces de projets pour de nouvelles usines de CAD ont diminué de plus de la moitié entre 2022 et 2023, et moins de 30 % des projets de CAD ont atteint une décision d'investissement finale. Par conséquent, il existe des incertitudes quant à la capacité du pipeline actuel de projets de CAD à répondre à la demande prévue d'ici 2030, notamment en ce qui concerne l’e-SAF.
Les biocarburants, bénéficiant d'une maturité technologique et de délais de développement plus courts, rencontrent des défis liés à la disponibilité des matières premières, en particulier les huiles de cuisson usagées et les graisses animales. Les e-carburants, bien que prometteurs, sont encore moins développés et nécessitent le développement de capacités additionnelles de production d'électricité renouvelable pour atteindre des objectifs ambitieux.
La principale barrière au développement du marché du CAD réside dans le coût élevé de production, entraînant des prix du CAD plusieurs fois supérieurs à ceux du carburant d'aviation conventionnel. Ainsi, bien que certaines compagnies aériennes aient pris des engagements volontaires, la demande de CAD est principalement motivée par des mandats réglementaires, en particulier dans l'UE, au Royaume-Uni et en Chine. D'autres pays, comme le Japon, la Suisse, l'Inde et les États-Unis, fixent également des objectifs significatifs. Par exemple, le règlement ReFuelEU Aviation de l'Union Européenne vise une part de mélange de 6 % d'ici 2030 et de 20 % d'ici 2035.
La combinaison d'une faible demande, de prix élevés et d'incertitudes concernant la continuité des mandats politiques et des incitations retarde les engagements d'achat à long terme, essentiels pour que les projets puissent sécuriser un financement et prendre des décisions d'investissement finales.
3) Que fait Société Générale pour soutenir l’émergence de l’écosystème du CAD et la décarbonation progressive du transport aérien ?
Société Générale conseille activement les développeurs de bio-SAF et d'e-SAF dans leurs levées de fonds, tant en capital qu'en dette. Parmi les collaborations notables, on trouve HIF Global LLC, qui se concentre sur des projets de e-carburants synthétiques verts à grande échelle, ainsi que Nordic Electrofuels, ayant pour objectif de développer une usine pilote e-SAF innovante en Norvège.
Société Générale est également membre de l'Alliance industrielle de la chaîne de valeur des carburants renouvelables et à faible émission de carbone de l'UE, qui vise à améliorer la production et l'approvisionnement en carburants renouvelables et à faible émission de carbone dans les secteurs de l'aviation et du maritime.
De plus, Société Générale a contribué à l'initiative Project SkyPower, qui identifie quatre éléments essentiels pour établir un cas commercial viable pour l'e-SAF :
(A) la certitude réglementaire concernant les mandats e-SAF,
(B) un financement public adéquat, par le biais des revenus fiscaux ou de la tarification du carbone générés par l'industrie (par exemple, via le système d'échange de quotas d'émission de l'UE),
(C) des contrats d'achat à long terme,
et (D) des mesures appropriées de réduction des risques pour atténuer les risques liés aux projets de première génération
1/ C. 2.5% in 2023 according to the IEA World Energy Outlook 2024
2/ Source: IATA June 2024 Global Outlook for Air Transport
3/ Source: IATA SAF Outlook and SAF Registry Global Media Day 2024