
Durabilité 2.0 : Naviguer dans les défis de la gouvernance climatique
Les politiques et réglementations mondiales en matière de durabilité deviennent de plus en plus fragmentées – mais si les banques veulent prospérer dans cette incertitude, elles n’ont guère d’autre choix que de s’adapter. Lors du SIBOS 2025 à Francfort, Marie-Gabrielle de Drouas, Responsable Sustainable Finance, Global Transaction Banking chez Société Générale, a expliqué comment les grandes institutions financières répondent à ce changement de paradigme en matière de durabilité.
Faire face à un nouveau défi de durabilité
Les réglementations en matière de durabilité ont toujours été de nature idiosyncratique, mais les différences entre les marchés mondiaux deviennent plus marquées, voire parfois contradictoires.
Alors que les marchés asiatiques sont relativement cohérents dans leurs approches réglementaires, la situation est moins stable ailleurs, ce qui crée des défis.
« Dans certains marchés occidentaux, les réglementations ESG ou les incitations aux entreprises durables sont en cours de révision, comme la décision de l’administration américaine de geler le versement des fonds dans le cadre de l’Inflation Reduction Act1, une loi qui soutenait les investissements dans des projets d’infrastructure verte tels que l’énergie propre et les transports », a déclaré Marie-Gabrielle de Drouas.
De plus, l’UE, qui a toujours été une force progressiste en matière de durabilité et d’ESG, a assoupli certaines de ses règles ESG, après des critiques selon lesquelles les dispositions étaient trop prescriptives et contraignantes. Néanmoins, l’UE reste pleinement engagée dans l’agenda vert.
« La Banque Centrale Européenne (BCE) et l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) adoptent une position stricte sur la durabilité, exigeant que les banques intègrent les risques liés au climat et à l’environnement dans leurs évaluations des risques, y compris le risque de crédit. Par ailleurs, la Commission Européenne (CE) a publié une proposition dans la Directive Omnibus visant à simplifier le reporting de durabilité dans le cadre de la Directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et de la nouvelle Directive sur le devoir de vigilance (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) », a commenté Marie-Gabrielle de Drouas.
À cela s’ajoute le fait que les pratiques de marché autour de la banque de transaction durable ne sont pas encore matures, créant une complexité supplémentaire pour les banques et leurs clients.
« En tant que banque mondiale présente dans plus de 50 pays, Société Générale doit s’assurer de maîtriser ces différentes exigences ou pratiques de marché. Nous avons développé un cadre pour labelliser les produits de Banque de Transaction Globale comme verts ou sociaux. Cette approche repose sur la Taxonomie Verte de l’UE, mais il est parfois difficile de l’imposer en dehors de l’UE. Nous prenons donc en compte les pratiques et réglementations locales et adaptons notre approche en conséquence, tout en maintenant un standard minimum commun strict », a poursuivi Marie-Gabrielle de Drouas.
Cette flexibilité est essentielle pour naviguer avec succès dans les différents régimes ESG.
Accompagner les clients dans leur parcours de durabilité
Tout comme les banques doivent affiner leurs modèles économiques pour se préparer à la transition vers la neutralité carbone, leurs clients aussi.
C’est là que les banques peuvent jouer un rôle de soutien vital.
Marie-Gabrielle de Drouas a souligné que les banques – comme Société Générale – dialoguent depuis longtemps avec leurs clients sur les questions ESG, en mettant traditionnellement l’accent sur la gestion et la réduction des risques ESG et sur la cohérence des pratiques de durabilité avec les engagements ESG des banques. Parallèlement, plusieurs banques ont passé les dernières années à aider leurs clients à intégrer l’ESG dans leurs stratégies financières via des services financiers durables.
Cependant, des changements subtils sont en cours.
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère en matière d’engagement client, où nous discutons de la transformation des modèles économiques de nos clients, de leurs stratégies de transition et d’adaptation, et des défis qu’ils peuvent rencontrer pour financer ces transformations. Pour soutenir cela, nous avons développé un outil interne – Transition Opportunities Potential – pour évaluer les stratégies de transition des clients – selon Marie Gabrielle de Drouas.
Au lieu de se concentrer uniquement sur des défis sectoriels étroits, les banques s’attachent à transformer l’ensemble de la chaîne de valeur. « Prenons les efforts de l’industrie aéronautique pour décarboner – chez Société Générale, nous ne parlons pas seulement aux compagnies aériennes ou aux aéroports. Nous dialoguons aussi avec l’industrie pétrolière et gazière pour les aider à développer des carburants d’aviation durables. Des programmes de changement de cette ampleur nécessitent que tous les acteurs concernés soient autour de la table », a poursuivi Marie-Gabrielle de Drouas.
L’un des plus grands problèmes est que, bien que l’ESG et la durabilité soient des enjeux convaincants à long terme, certaines organisations prennent leurs décisions d’investissement en fonction d’horizons temporels courts.
La réalité, cependant, est que les organisations qui choisissent de ne pas adopter la durabilité mettent en péril leur avenir. « L’un de nos clients du secteur des boissons alcoolisées nous a indiqué qu’il remplaçait ses vignes par des vignes résistantes à la sécheresse depuis dix ans. Ce choix n’est pas forcément rentable à court terme, mais il protégera leur activité des effets du changement climatique à long terme », a déclaré Marie-Gabrielle de Drouas.
L’ESG et la durabilité peuvent rencontrer quelques vents contraires sur certains marchés, mais le risque de ne rien faire est tout simplement trop grand, pour les banques comme pour les clients. Les banques qui accompagnent leurs clients dans leur parcours de transition climatique seront les véritables gagnantes à l’avenir.
1White House – January 20, 2025 – Unleashing American Energy