Le grand retour des obligations: une catégorie d’actifs qui séduit de nouveau les investisseurs

26/07/2023

Après plus d’une décennie marquée, sur de nombreux marchés développés, par des rendements proches de zéro, voire négatifs dans certains pays comme l’Allemagne et le Japon, les obligations font leur grand retour.

La hausse de l’inflation a provoqué un resserrement des politiques monétaires aux quatre coins du globe, entraînant  une hausse des rendements.

Les mesures draconiennes des banques centrales, avec en tête, la Réserve fédérale américaine, ont permis «le grand retour des obligations, déclare Anne Walsh, Directrice des investissements au sein de Guggenheim Partners Investment Management.

Les investisseurs n’ont pas tardé à réagir. Aux États-Unis, entre janvier et mai dernier, pas moins de 140 milliards de dollars n’ont pas été investis sur le marché actions, un marché pourtant longtemps choix par défaut des investisseurs particuliers et institutionnels. Et ce, au profit, dans une certaine mesure, des obligations long terme. Et sur la même période, ce phénomène s’est accompagné d’un afflux inédit de capitaux vers les fonds monétaires à hauteur de 585 milliards de dollars. En effet, les investisseurs ont tiré profit des rendements plus élevés offerts par la partie court-terme de la courbe des rendements (qui est inversée actuellement). Il ne fait aucun doute qu’une partie de cette somme provient de l’épargne accumulée pendant la pandémie de COVID.

La plupart des économistes et analystes estiment que cette tendance est amenée à durer. Les coûts immenses engendrés par la transition énergétique, conjugués à la relocalisation de chaînes d’approvisionnement et à l’« atténuation » des risques liés aux relations commerciales clés entre les États-Unis et la Chine laissent présager une future hausse structurelle des prix. De plus, sachant que les autorités monétaires sont déterminées à reprendre le contrôle de l’inflation, les taux devraient rester élevés plus longtemps que prévu dans la majorité des grandes économies, avec une exception notable toutefois, la Chine, qui semble proche d’une déflation de ses prix de gros.

Redonner leurs lettres de noblesse au monétaire et à l’investment grade

C’est positif pour les rendements.

Nous avons sans doute changé de régime sur le niveau absolu des taux d’intérêt, déclare Éric Bertrand, Directeur des investissements au sein d’Ofi Invest Asset Management, redonnant ainsi leurs lettres de noblesse au monétaire et à l’investment grade, deux classes d’actifs qui avaient singulièrement perdu de leur attrait dans la décennie précédente. Les allocations d’actifs des grands investisseurs s’en trouveront donc nécessairement modifiées. 

Alors que la lutte contre l’inflation se poursuit, il est essentiel de déterminer si les marchés obligataires sont performants pour les investisseurs, ou si les rendements réels sont toujours négatifs.

Ils tirent leur rémunération du risque engendré par les niveaux actuels de rendement et de spread, affirme Mme Walsh, qui précise que l’inflation américaine devrait reculer à près de 3 % d’ici la fin de l’année, alors que les rendements actuels des titres investment grade oscillent entre 5 et 8 %.

Elle constate toutefois que les investisseurs devraient être sélectifs et ils le sont. Les stratégies « core » et « core-plus » ont permis d’attirer de nouveaux capitaux, tandis que les fonds de prêts bancaires non traditionnels, à haut rendement et de courte durée continuent d’être délaissés.

Guggenheim estime que le crédit structuré investment grade semble particulièrement séduisant à l’heure actuelle, sur une base à la fois absolue et relative. La durée de vie moyenne plus courte du crédit structuré permet de bénéficier d’une volatilité moindre et a contribué à la surperformance par rapport aux indices d’obligations d’entreprise en 2023.

Les rendements susceptibles d’être investis dans le crédit structuré restent, à niveau égal, nettement supérieurs à ceux des obligations d’entreprise investment grade.

De plus, à mesure que l’inflation sera progressivement maîtrisée, le marché commencera à anticiper des baisses des taux en 2024 avec, une fois encore, les États-Unis en tête, suivis à bonne distance par l’Union européenne et le Royaume-Uni (alors que le Japon n’a toujours pas entamé la phase de resserrement). Cela pourrait agir comme un catalyseur de la surperformance des obligations par rapport aux actions et aux actifs monétaires, les investisseurs cherchant à sécuriser les rendements et les spreads dont ils bénéficient tant qu’ils restent à des niveaux élevés.

Retour à la normale

Cela constitue également un nouveau paradigme pour les émetteurs d’obligations et de produits à taux fixe, déclare Felix Orsini, Responsable mondial Marchés de capitaux de dette au sein de Société Générale, ou plutôt un retour à l’environnement de marché qui régnait il y a maintenant une génération.

Après plusieurs années d’augmentation du nombre d’émissions obligataires, qui ont atteint, en 2020, un record global de 500 milliards d’euros, l’année écoulée a été marquée par une « transition brutale» et une aversion au risque des investisseurs, les volumes atteignant péniblement 270 milliards d’euros.

Depuis le début de l’année, les émissions retrouvent des niveaux plus habituels. Les banques centrales ne sont plus des acheteurs en dernier ressort (et, parfois, en premier ressort) et les investisseurs institutionnels continuent à se montrer sélectifs. Les marchés ne sont donc plus aussi actifs, puisqu’une obligation y est généralement souscrite 2 à 3 fois contre 5 à 6 fois du temps de leur apogée. « Mais on peut considérer que le marché dans son ensemble est plus sain », déclare M. Orsini. Les fondamentaux de l’offre et de la demande, de la solvabilité et de la génération de liquidités y reprennent toute leur place.

Les émetteurs sont aussi, de toute évidence, de plus en plus évalués sur leurs stratégies de durabilité et ESG, cette partie de l’univers obligataire ayant quasi-doublé chaque année entre 2018 et 2021, même si la croissance se stabilise également à mesure que le marché arrive à maturité.

Alors que la volatilité revient à des niveaux historiques (l’indice VIX de Chicago a notamment perdu la moitié de sa valeur depuis octobre 2022), nous sommes désormais sortis  « du brouillard »"qui régnait l’année passée, affirme M. Orsini. À terme, les émetteurs devront offrir des rendements plus élevés pour séduire les investisseurs et, de fait, les capitaux. Mais les entreprises solvables capables de mettre en avant leur réussite n’auront aucune difficulté à émettre des obligations, tout en offrant aux investisseurs des rendements positifs. Cela devrait sceller le retour des obligations en tant que classe d’actifs attrayante pour les investisseurs.

 

 

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