Une approche mesurée de l'investissement durable en Asie-Pacifique
Les gérants d'actifs de la région Asie-Pacifique œuvrent sans relâche pour affiner la recette de l'investissement durable. Le choix des bons ingrédients est une première étape vers le succès.
La notion d'investissement « durable » peut être synonyme d'éthique et de valeurs pour certains, ou de réduction des risques et de performance pour d'autres. Face à la demande croissante des investisseurs en faveur de solutions d'investissement durables sur les marchés d'Asie-Pacifique, un nombre croissant de produits sont commercialisés sous la dénomination ESG (Environnemental, Social et de Gouvernance), même si leurs « ingrédients » peuvent varier.
L'impact potentiel de telles variations peut aujourd'hui dépasser la simple différence d'interprétation et entraîner un risque de « surreprésentation » ESG susceptible de nuire à la réputation de l'entreprise.
Avant de détailler les subtilités de ces variations, commençons par examiner les approches de l'intégration des critères ESG. Par exemple, pour un fonds indiciel coté (ETF), la « version ESG » de l'indice suivi par le fonds est généralement élaborée selon deux grandes catégories de techniques : l'exclusion (ce qui n'est pas souhaité est écarté) et la sélection (ce qui est souhaité est retenu). Pour ces fonds, les données ESG (notations comprises) constituent souvent un élément essentiel.
Toutefois, les divergences de notation ESG constituent un véritable casse-tête. Les analystes quantitatifs de Société Générale ont étudié ces divergences sur les composantes de l'indice MSCI World entre quatre grands fournisseurs : bien que positive dans tous les cas, la corrélation était rarement forte.
Si l'on ajoute à cela les préférences locales des nombreux marchés diversifiés de la région, il est clair qu'il n'existe pas de recette unique en matière d'investissement durable qui puisse satisfaire tous les appétits. Dans la mesure où un nombre croissant de gérants d'actifs et d'investisseurs institutionnels de la région Asie-Pacifique cherchent à intégrer les critères ESG dans leurs portefeuilles, il est important de comprendre où ces interprétations diffèrent, et où elles se rejoignent.
Une direction claire
L'un des points communs est le contrôle grandissant des déclarations en matière de durabilité, les instances de réglementation intervenant en cas de classification inadéquate des produits, de terminologie imprécise et d'affirmations non étayées.
L'examen des allégations vagues en matière de durabilité vient rappeler aux investisseurs la nécessité de s'interroger sur ce qu'ils font réellement pour intégrer les critères ESG et garantir la qualité des informations qu'ils communiquent aux marchés et à leurs clients. Or, comme les exigences en matière de partage d'information évoluent et varient selon les pays, ils risquent de fournir des renseignements incomplets, vagues ou ambigus.
Les instances de réglementation se mobilisent pour résoudre ce dilemme. Par exemple, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) émet des recommandations prudentielles à l'intention des instances de réglementation européennes sur la manière d'intégrer les risques et les informations concernant la durabilité dans la gestion d'actifs .
La région Asie-Pacifique a adopté tardivement les normes ESG, mais les instances de réglementation s'inspirent des régions plus avancées. Des mesures sont ainsi prises par ces instances, notamment l'Agence des services financiers au Japon et l'Autorité monétaire de Singapour .
On peut présumer sans risque que les gérants d'actifs de la région Asie-Pacifique feront l'objet d'un contrôle plus strict à l'avenir en ce qui concerne leurs déclarations de durabilité, tant de la part des instances de réglementation que des clients et des autres parties prenantes. Que ces instances adoptent ou non une approche aussi stricte que celle de l'UE, il est commercialement risqué d'être perçu comme défaillant en matière de supervision et de communication concernant l’ESG.
Approches proactives
Une réglementation plus claire et plus cohérente sera utile, mais les sociétés d'investissement ne peuvent pas se permettre d'attendre que les autorités éliminent toute incertitude. Elles doivent se montrer proactives en effectuant leurs propres contrôles préalables sur les données et les méthodologies qu'elles choisissent pour leurs produits, et soigneusement réfléchir à ce qu'elles entendent par « ESG » et à la manière dont elles intègrent cette notion dans leurs investissements.
Les investisseurs qui se fient à des notations ESG tierces doivent s'assurer qu'ils comprennent la méthodologie, les hypothèses et les limites du fournisseur.
Nous avons également examiné la possibilité de dégager un consensus à partir des divergences de notation ESG par le biais d'un tracker de consensus ESG, sachant que les prévisions financières consensuelles des leaders ESG sont généralement plus fiables que la plupart des prévisions individuelles.
Les institutions doivent également examiner leur approche concernant l'importance des enjeux ESG. De nombreuses notations ESG privilégient uniquement les aspects qui ont une incidence sur la performance financière. Les instances de réglementation de l'UE se focalisent de plus en plus sur la « double matérialité », qui tient également compte de l'impact des sociétés bénéficiaires sur la société et l'environnement.
Quelle que soit l'approche choisie, les institutions doivent se préparer à révéler la manière dont elles utilisent les données qu'elles ont sélectionnées : il ne suffira pas de déclarer quelles données ont été utilisées pour concevoir un produit d'investissement, les concepteurs du produit devront également indiquer clairement le rôle que les données jouent dans le produit et les performances attendues.
À mesure que les instances de réglementation exigent davantage de cohérence et de transparence, la recette de l'investissement durable se précise. Mais tant que ce processus se poursuit dans la région Asie-Pacifique, Société Générale se tient à la disposition des institutions pour les aider à s'adapter à l'évolution du paysage réglementaire et à transformer les incertitudes en opportunités.
1. https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-provides-supervisors-guidance-integration-sustainability-risks-and
2. https://www.fsa.go.jp/news/r4/singi/20220712/20220712_6.pdf
3. https://www.mas.gov.sg/regulation/circulars/cfc-02-2022---disclosure-and-reporting-guidelines-for-retail-esg-funds