L’hydrogène : une solution d’avenir pour l’énergie propre ?
Face aux enjeux de la transition énergétique, soutenir le développement de solutions liées à l’hydrogène décarbonée constitue une priorité politique qui nécessite la mise en place et la structuration d’importants financements. Point de vue par Olivier Musset, Responsable Mondial du Groupe Energie et Louis-Aynard de Clermont Tonnerre, Responsable de l’Industry Group Power, Utilities & Infrastructure chez Société Générale.
Pour atteindre leur objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, de nombreux pays font du développement de l’hydrogène propre la clé de voûte de leur stratégie en matière de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique.
Certes, l’hydrogène est aujourd’hui déjà utilisé à grande échelle notamment dans le raffinage et l’industrie chimique. Mais il est principalement produit à partir d’énergies fossiles et donc génère beaucoup de CO2. On qualifie l’’hydrogène de « gris » dans ce cas. Tout l’enjeu est donc de décarboner cette production, c’est-à-dire que ni la production ni l’utilisation d’hydrogène n’émettent de CO2. Pour ce faire, deux possibilités : soit à partir d’énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) par un processus d’électrolyse, c’est l’hydrogène « vert » ; soit à partir d’un vapo-reformage de gaz en captant le CO2 produit et en le séquestrant dans des puits de pétrole ou de gaz vides. L’hydrogène ainsi obtenu est dit « bleu ». À partir de là, l’hydrogène « bleu » et « vert » présentent l’avantage de décarboner une multitude de secteurs pour lesquels la réduction de CO2 s’avère difficile. C’est le cas, par exemple, dans les transports et notamment les véhicules lourds (autobus, avions, camions, navettes fluviales, porte-conteneurs, trains) ou ayant besoin d’une longue autonomie. Il peut aussi se substituer au charbon, gaz ou pétrole dans les cimenteries et la sidérurgie. Ou permettre le stockage à long terme de l’électricité produites par des énergies renouvelables.
D’ici 2050, l’hydrogène propre pourrait ainsi répondre à 18 %[1] de la demande mondiale d’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre de 6 Gt[2] par an, soit 13 %[3] des émissions mondiales.
Impulsion des pouvoirs publics
Mais produire aujourd’hui de l’hydrogène propre, notamment « vert », reste très coûteux et donc peu compétitif. Cela explique qu’il n’y a quasiment pas de projets de grande envergure, et nécessitant d’importants financements, initiés à ce jour. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle des énergies renouvelables dans les années 1990. Les pouvoirs publics ont dû investir massivement pour faire baisser le coût des renouvelables, ce qui a pris plus de vingt ans. Or seul des projets de taille significative peuvent rendre la filière hydrogène propre compétitive. Et l’amorçage prend du temps. L’intervention des autorités et décideurs politiques est alors primordiale pour fournir, à travers des plans précis de soutien à l’ensemble des acteurs de la filière (production, stockage, transport et usage), un cadre propice à la mise en place de ces différents éco-systèmes industriels. À ce titre, il est intéressant de noter que tous les plans de relance économique post-Covid allouent au développement de l’hydrogène des budgets conséquents, signe d’une reconnaissance de son rôle décarbonisant, avec la volonté d’enclencher une dynamique industrielle.
Ainsi, la France compte y consacrer 7[4] milliards d’euros d’ici à 2030 (dont 2 milliards dès 2021-2022), l’Allemagne 9[5] milliards d’euros et l’Espagne 8.9[6] milliards d’euros. Quant à la Commission européenne, elle estime les besoins entre 180 et 470[7] milliards d’euros d’ici à 2050. Pour y parvenir, l’exécutif européen a créé la « Clean Hydrogen Alliance », afin de se doter d’une chaîne de valeur complète de l’hydrogène en Europe.
Structuration pérenne
Reste à savoir comment ces enveloppes seront par la suite déployées entre les différents projets et à quel rythme. Tout en s’assurant d’aligner les intérêts de l’ensemble des parties prenantes.
Les banques auront un rôle à la fois de conseil et de financement pour que ces projets se concrétisent. En rejoignant l’Hydrogen Council, et particulièrement l’Investor Group créé au sein de ce conseil, Société Générale réaffirme son engagement comme acteur de la transition énergétique. Elle montre également qu’elle est convaincue du potentiel de l’hydrogène pour créer des chaînes de valeur sans carbone, et elle souhaite participer activement au développement de ces solutions, à l’instar de son rôle pionnier dans l’éolien marin (fixe et flottant) et le solaire.
Nous entendons mettre l’expérience de nos franchises d’innovation, de conseil, de financement et de structuration de dette et de fonds propres au service de cette énergie d’avenir. À titre d’exemple, nous aidons les industriels à mieux comprendre quelles seraient les conditions pour que leurs projets puissent être finançables par des banques de manière pérenne sur le long terme et attractifs pour les investisseurs en capital. Les projets sont variés et notre dernière analyse a porté sur le financement d’importantes flottes de camions alimentés à l’hydrogène. C’est pour cela que nous sommes impliqués très en amont dans les discussions avec les promoteurs de projets aussi bien sur les sujets de financement que de capital. Mais notre valeur ajoutée se situe aussi avec les États en répondant à leur sollicitation sur les meilleures configurations de déploiement des soutiens financiers publics.
Nous sommes pleinement engagés à soutenir la transition énergétique de nos clients sous toutes ses formes, et sommes convaincus que le développement de l’hydrogène jouera un rôle essentiel dans la décarbonisation de l’économie.
[1] “Hydrogen Scaling Up”, Hydrogen Council – November 2017
[2] “Hydrogen Scaling Up”, Hydrogen Council – November 2017
[3] “Hydrogen Scaling Up”, Hydrogen Council – November 2017
[4] “Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France » French Government, September 2020
[5] “The National Hydrogen Strategy” German Federal Government, July 2020
[6] Source: Reuters
[7] “A hydrogen strategy for a climate-neutral Europe”, European Commission, July 2020