L'innovation sera essentielle pour les états souverains Africains sur les marchés obligataires internationaux en 2023

03/02/2023

Les nuages se dissipent en ce début d'année. Par Karim Elzein, Responsable Debt Capital Markets au Moyen-Orient, en Turquie et en Afrique, au sein de Société Générale.

Les marchés internationaux obligataires ont connu une croissance et un développement importants ces dernières années pour les emprunteurs africains. Jusqu'en 2022, un nombre croissant d’états souverains africains ont accédé aux marchés obligataires internationaux, pour financer notamment leurs projets d’infrastructures et leur développement économique.

En 2022, un resserrement de la politique monétaire, des problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement et des tensions géopolitiques ont créé les conditions les plus difficiles jamais vues sur les marchés obligataires à l'échelle mondiale. Les volumes d'émission ont chuté dans tous les secteurs du marché, diminuant d'environ 30 % d’une année à l’autre dans le monde, de plus de 50 % en Europe centrale et orientale, au Moyen-Orient et en Afrique, et d'environ 80 % en Afrique spécifiquement.


La volatilité de 2022 a poussé les états souverains africains à envisager quatre principales voies de financement international :

1.    Approcher les marchés obligataires internationaux (Nigeria, Angola et Afrique du Sud).
2.    Accéder à des sources alternatives de capitaux car ils anticipent une amélioration du marché obligataire.
3.    Obtenir des financements dit « concessionnels » auprès des bailleurs de fonds institutionnels et des banques multilatérales de développement (« DFI »).
4.    Restructuration de la dette privée et/ou renflouement par le Fonds monétaire international (Ghana).

Au début de l'année 2023, les nuages ont commencé à se dissiper, suscitant l’optimisme pour le reste de l'année. Les taux d'intérêt sous-jacents et les écarts de crédit ont considérablement baissé à partir de la mi-octobre 2022, ce qui laisse entrevoir des coûts de financement plus attractifs pour les émetteurs. Les décollectes des fonds obligataires des marchés émergents ont également commencé à s’inverser, et des collectes d’environ 2 milliards de dollars ont eu lieu sur les dernières semaines de l’année. Cette tendance positive devrait se poursuivre et supporter un regain d’activité pour les emprunteurs souverains africains sur le marché obligataire primaire.


Les principales thématiques pour les états souverains africains sur le marché obligataire en 2023 comprennent :

1.    Un rattrapage des volumes d’émission. Les investisseurs des marchés émergents disposent de liquidités importantes et les taux d'intérêt attractifs inciteront les investisseurs à déployer ces liquidités. Les émissions obligataires primaires des marchés émergents au début de 2023 ont été très fructueuses, comme en témoigne l'obligation à cinq ans de 450 millions de dollars de la Mongolie (au prix de 8,95 %), qui a attiré un livre d’ordre de 3 milliards de dollars.
2.    Financement du secteur public. Compte tenu des prix intéressants, les états souverains devraient augmenter leurs seuils de tolérance face aux exigences non financières associées au financement concessionnel afin de saturer le financement via ce canal.
3.    Retarder les investissements ou les projets discrétionnaires pour réduire les besoins en financements étrangers.
4.    Facilités de crédit de précaution via le Fonds monétaire international, comme pour l'Égypte, la Géorgie, la Serbie et l'Arménie.
5.    Restructurations de la dette privée et renflouements de la part du FMI pour les quelques très rares états souverains se trouvant dans une situation budgétaire particulièrement difficile et n’ayant pas accès aux marchés de capitaux ou à des financements concessionnels.


Nous nous attendons également à ce que le marché soit propice à l'innovation dans différents domaines sur les marchés financiers :

1. Obligations partiellement/entièrement garanties. Plusieurs banques multilatérales de développement ont mis de tels programmes à la disposition des états souverains afin de réduire les coûts de financement globaux. Les faibles coûts de financement auxquels les états souverains africains ont eu accès ces dernières années ne justifiaient guère le processus d'exécution poussé lié à ces garanties, bien que les coûts de financement actuels puissent désormais le justifier.
2. L'émission de Sukuk pour les états souverains ayant un "lien avec l’Islam". Comme l'a démontré la Turquie en 2022 (qui a levé 5,5 milliards de dollars via des émissions Sukuk), les investisseurs islamiques disposant d’abondantes liquidités restent à la recherche d'opportunités éligibles d'investissement et de rendement.
3. Exercices de gestion de passif. Bien que 2023 ne présente pas de pic significatif de maturité au niveau des obligations d’états souverains africains, il y a un montant beaucoup plus important à venir en 2024. Les exercices de rachat de dette offrent aux investisseurs la possibilité de réengager leur exposition dans de nouvelles obligations – ce qui permet aux emprunteurs de réduire les risques d’exécution liés aux opérations de nouvelle émission grâce à des ordres d’ancrage importants générés par cette mécanique. La gestion de la dette offre également aux états souverains la possibilité de prolonger les échéances à un coût supplémentaire marginal limité.
4. L'ESG sur les marchés de capitaux. L’Afrique a bonne presse auprès des investisseurs internationaux en matière d'ESG. Société Générale est convaincue que les états souverains africains auront accès à la liquidité supplémentaire offerte par les obligations liées à l'ESG et les debt-for-nature swaps, plus récents. Société Générale est l'une des banques les plus actives sur les marchés obligataires. Grâce à notre légitimité mondiale, notre fort engagement en Afrique (avec une présence sur le terrain dans 17 pays d'Afrique et notre stratégie "Grow with Africa") et nos antécédents en matière d'innovation, cela a fait de nous un partenaire clé des marchés obligataires pour les états souverains africains dans le passé, et cela continuera en 2023 et au-delà.


Cet article a été publié pour la première fois dans le Public Sector Bond Market Outlook Report de l’OMFIF, disponible ici