Vers une économie verte de l'hydrogène
L’hydrogène étant au cœur des plans des gouvernements pour une décarbonisation d’ici 2050, il y a énormément de capitaux disponibles pour les projets commercialement viables.
Lorsque la nouvelle usine de H2 Green Steel entrera en production en 2025, elle sera le premier projet mondial à produire de l'acier « vert » à grande échelle, éliminant pratiquement toutes les émissions de C02 du processus de production. Située à Boden, dans le nord de la Suède, l'usine bénéficie d'abondantes ressources éoliennes et hydro-électriques. D'ici 2030, elle devrait produire cinq millions de tonnes d'acier par an pour les secteurs de l'automobile, de l’électro-ménager et de l’industrie.
« La beauté du projet est qu'il apporte au marché une nouvelle catégorie d'acier », note Christophe Hadjal, Responsable Conseil et Développement commercial au sein du département Ressources naturelles, et plus spécifiquement Mines, Métaux et Industries chez Société Générale, conseiller financier du projet. « Il ne s'agit pas seulement d'un produit à faible empreinte carbone, il s'agit d'une gamme d'aciers de haute qualité destinée à des utilisateurs finaux exigeants qui ont besoin d’être certains de la qualité du produit tout en ayant la garantie de réduire leur empreinte carbone en se basant sur des objectifs scientifiques. La mesure de décarbonisation la plus tangible que de nombreux acteurs industriels peuvent prendre est la réduction de l'empreinte carbone de l'acier qu'ils utilisent, et c'est pourquoi les producteurs, comme les consommateurs, se concentrent sur ce sujet. »
En tant que projet commercialement viable, H2 Green Steel est unique en son genre car il bénéficie d'une planification stratégique habile permettant de réunir tous les facteurs contribuant à son succès. Non seulement le projet dispose d’un accès à des énergies renouvelables, à du minerai de fer local et dispose déjà de clients existants, mais l'Union européenne rééquilibre également les règles du jeu grâce à son système d’échange de droits d’émissions qui fixe un prix sur le carbone. Bien que H2 Green Steel puisse produire de l'hydrogène vert de manière compétitive sur la base du marché actuel grâce à son emplacement favorable, le coût élevé de l'hydrogène vert qui n’est ni réglementé ni subventionné, est actuellement de 6 à 9 dollars le kilogramme, contre 1 à 2 dollars pour l'hydrogène gris -, et rend de nombreux projets non rentables.
Néanmoins, les plans actuels de décarbonisation de l'économie mondiale reposent en partie sur l'hydrogène vert. L'UE, par exemple, a pour objectif d'installer 40 GW d'électrolyseurs d'ici à 2030. Et si l'hydrogène vert représente moins de 0,1 % du bouquet énergétique mondial aujourd'hui, il pourrait atteindre le quart d'ici 2050, selon certaines estimations.(1)
Rendre les projets commercialement viables
La palette des couleurs des différents types d'hydrogène permet de donner une idée de son évolution future. L'hydrogène "gris" est la forme sale du gaz d’aujourd’hui ; son processus de production par reformage du méthane par la vapeur dégage du CO2. L'hydrogène "bleu" est produit par le même processus, mais le CO2 est enfermé grâce à une technologie de capture du carbone. Enfin, l'hydrogène "vert" est produit par électrolyse, qui n'émet pas de CO2 car elle utilise des énergies renouvelables.
Selon le Hydrogen Council, plus de 220 projets liés à l'hydrogène sont actuellement en développement dans le monde : projets de production à grande échelle, projets de grands industriels tels que les raffineries, projets de mobilité dans le domaine du transport et projets d'infrastructure.
Naturellement, les industriels peuvent se préparer à l'hydrogène vert en utilisant pour commencer l'hydrogène gris ou bleu comme source d'énergie ou matière première. Au fur et à mesure qu'ils utiliseront davantage d'hydrogène, ils constitueront une clientèle pour l'hydrogène vert, ce qui justifiera les investissements dans les infrastructures de production, de distribution et de stockage.
« Pour nous, et de ce que nous observons sur certains marchés, il apparaît clairement que la transition passe par le développement de l'hydrogène bleu, avec 95 % des émissions de CO2 capturées et stockées », note Allan Baker, Responsable Conseil et Financement de Projets chez Société Générale. « Je pense qu'en Europe en particulier, c'est probablement la technologie la plus économique ».
Un potentiel de financement important
La mise en place d'une économie de l'hydrogène d'ici à 2050, date à laquelle l'Union européenne et d'autres gouvernements visent des économies neutres sur le plan climatique, est une tâche gigantesque. Une analyse récente indique qu'il faudra investir jusqu'à 100 milliards de dollars dans l'hydrogène pour atteindre les objectifs de zéro émission d'ici 2050.(2)
Bien que ces sommes soient énormes, des capitaux sont déjà disponibles pour les projets ayant une base commerciale solide. Le plus grand fonds mondial investissant dans des infrastructures d'hydrogène vert, Hy24, par exemple, a été lancé en octobre 2021 dans le but de lever 1,5 milliard d'euros. Rien qu'au moment du lancement, grâce à une combinaison d'investisseurs industriels et financiers, 800 millions d'euros avaient déjà été engagés.
« Il y a des investisseurs stratégiques dans Hy24 qui pourraient également être des acheteurs », explique Louis-Aynard de Clermont Tonnerre, Head of Power, Utilities & Infrastructure Industry Group, qui dirige l'équipe Société Générale partenaire de Hy24 et plusieurs de ses investisseurs pour apporter du conseil financier. « Vous voyez qu’ils prennent une participation dans ce projet pour sécuriser leurs besoins, mais aussi pour assurer leur diversification plus large dans la transition énergétique. Et vous avez les investisseurs financiers qui veulent faire du rendement. »
En février 2022, le fonds a déjà investi dans Hy2gen AG, la plus grande plate-forme mondiale dédiée à la construction d'installations de production d'hydrogène vert. Basée à Wiesbaden, en Allemagne, Hy2gen a levé 200 millions d'euros lors de son cycle d’investissement, Hy24 étant une nouvelle fois conseillé par Société Générale.
Bien qu'elle n'en soit qu'à ses débuts, l'industrie de l'hydrogène vert devrait prendre de l'ampleur avec le temps et davantage de projets deviendront commercialement viables.
« Il y a des projets qui sont concrets aujourd'hui, des projets qui le seront à l'avenir et d'autres qui ne le seront jamais. Comme avec les énergies renouvelables il y a 10, 15, 20 ans, lorsque nous avions de petits développeurs avec de petits projets qui achetaient souvent des parcelles de terrain en espérant qu'il y aurait du vent ou du soleil », dit Allan Baker, établissant un parallèle entre le rôle de pionnier de Société Générale dans le financement des énergies renouvelables et son leadership dans l'évolution de la transition énergétique.
(1) BNEF Hydrogen Economy Outlook
(2) Hy24, Bloomberg NEF (New Energy Outlook)