Favoriser une économie à faibles émissions en Asie du Sud-Est
Le passage à des technologies plus propres est une opportunité pour les pays et les entreprises d’Asie du Sud-Est de travailler ensemble pour produire un impact positif pour toute la région.
Par Raphael Cheminat, Group Country Head of Singapore and Head of Southeast Asia, Societe Generale
De l’Indonésie au Vietnam, les pays de l’Asie du Sud-Est s’engagent à décarboner leurs économies, intensifiant les ambitions climatiques de la région. La réduction de la dépendance de la région à l’égard des combustibles fossiles et des ressources naturelles s’annonce comme le plus grand défi de notre époque, mais elle offre également une occasion pour ceux qui sont en mesure de faire preuve de leadership.
Les gouvernements de l’Asie du Sud-Est prennent des mesures, comme l’ont montré les engagements récents de réduire l’utilisation du charbon au Vietnam, aux Philippines et en Indonésie, ainsi que l’engagement net zéro de la Thaïlande. Répondre à ces ambitions exigera des investissements considérables : environ 24 billions de dollars seront investis en Asie-Pacifique dans tous les secteurs de l’énergie d’ici 2040, soit environ 40 % de tous les investissements mondiaux, selon l’Asia Investor Group on Climate Change.1 Les institutions financières, les décideurs politiques et les investisseurs doivent s’assurer que ces fonds sont dirigés vers des investissements qui soutiennent une économie durable.
La création d’un environnement propice à l’essor des infrastructures à faibles émissions de carbone exigera des institutions publiques et privées qu’elles collaborent à l’élaboration de mécanismes de tarification du carbone, de technologies de captage du carbone et de normes réglementaires.
Nous croyons que Singapour est bien placée pour jouer un rôle crucial dans cette transition, en utilisant son infrastructure des marchés financiers pour catalyser l’investissement dans des technologies à faibles émissions de carbone, créer un centre régional d’échange de carbone et établir la norme à suivre pour les autres pays.
Inciter la réduction des émissions de carbone
Après de nombreuses discussions et négociations, des spécifications techniques détaillées pour un mécanisme mondial de tarification et de compensation du carbone ont été finalisées lors du sommet de la COP26 qui s’est tenu à Glasgow. Il sera difficile de mettre en place un système international pour cette activité complexe en Asie, mais la solide infrastructure législative, commerciale et financière de Singapour la place en position de force pour diriger le développement.
Singapour a souligné ses ambitions de devenir un pôle de commerce du carbone l’année dernière avec la publication du « Singapore Green Pan 2030 », dans le cadre d’une campagne plus large visant à saisir les opportunités de croissance durable. La joint-venture Climate Impact X (CIX), soutenue par les principales institutions financières de Singapour, est une étape vers le développement d’un cadre fiable pour un marché du carbone, qui aidera à catalyser un marché régional pour les compensations de carbone.
Un marché du crédit carbone pleinement opérationnel, dans lequel les entreprises à forte intensité de carbone paient les quotas dont elles ont besoin pour atteindre leurs objectifs d’émissions, augmentera les coûts pour les grands émetteurs, les incitant à rechercher des alternatives plus écologiques. Il crée un point de départ pour les secteurs difficiles à réduire, où la voie vers la neutralité carbone sera un processus complexe sur de nombreuses années.
L’Asie du Sud-Est devra également explorer le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (Carbon Capture, Utilisation and Storage ou CCUS), qui promet d’aider en éliminant les émissions à la source et en les emprisonnant de façon permanente.
Il s’agit d’une technologie relativement nouvelle et coûteuse, mais la tendance est à la hausse. En juin dernier, les gouvernements régionaux ont formé le réseau Asia CCUS pour permettre à la région de coopérer à l’élaboration de politiques et de règlements pour développer le processus CCUS.2 L’Autorité du marché de l’énergie de Singapour (Energy Market Authority ou EMA) est l’un des signataires fondateurs. Quelque 30 nouvelles installations commerciales sont en cours de planification et, en 2020, les gouvernements et l’industrie ont engagé plus de 4,5 milliards de dollars américains dans des projets de CCUS.3
Développer la confiance et la coopération
Il sera essentiel d’attirer des investissements dans des technologies à faibles émissions si l’Asie du Sud-Est veut passer à la consommation nette zéro. Le renforcement de la confiance des investisseurs et la réduction de la possibilité d’« écoblanchiment » constituent donc une pièce essentielle du puzzle.
Des taxonomies écologiques bien conçues répondent au besoin des investisseurs ESG d’avoir une plus grande certitude quant à la durabilité de leurs investissements. Comme nous l’avons vu en Europe, les critères standardisés améliorent la confiance dans le marché, apportent confiance et assurance aux investisseurs, permettant ainsi des flux financiers plus durables et plus efficaces.
C’est pourquoi Société Générale soutient les efforts de l’Autorité Monétaire de Singapour (Monetary Authority of Singapore or MAS) pour développer une taxonomie verte locale à travers la création du Groupe de travail Green Finance Industry. Des normes claires et cohérentes comme celles-ci aideront l’Asie du Sud-Est à attirer les capitaux dont elle a besoin pour abandonner les combustibles fossiles.
Dans le secteur privé, l’action collective par le biais d’alliances telles que la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) – dont Société Générale est membre fondateur – sera déterminante pour catalyser cette réorientation des capitaux.
Notre foi en la coopération fait partie de notre engagement de longue date à soutenir la transition en travaillant avec les clients et en intégrant les facteurs ESG dans notre propre objectif d’entreprise.4 Dès 2001, la Banque a été membre fondateur de la Positive Impact Initiative (PII) dans le cadre de l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP-FI), qui vise à mobiliser des financements en vue de la réalisation des Objectifs de développement durable. Cette approche collaborative est particulièrement importante en Asie-Pacifique, où les partenariats public-privé sont un élément essentiel de la réduction des émissions de carbone. Entre 2015 et 2021, nous avons soutenu nos clients dans plus de 40 projets de transition énergétique à travers la région, y compris plusieurs projets innovants d’énergie renouvelable tels que la première installation solaire flottante en Indonésie et un portefeuille de parcs éoliens au Vietnam.5
Ensemble, nous avons les ressources pour avoir un impact positif et devenir un leader dans le financement climatique – avec les banques, les investisseurs, les clients et les régulateurs travaillant ensemble pour traduire les mots en actions concrètes.
1 https://www.aigcc.net/wp-content/uploads/2021/03/March-2021_-Asias-Net-Zero-Energy-Investment-Potential-English.pdf
2 https://www.iea.org/reports/carbon-capture-utilisation-and-storage-the-opportunity-in-southeast-asia/introduction
3 https://www.iea.org/commentaries/is-carbon-capture-too-expensive
4 https://www.societegenerale.com/en/news/press-release/societe-generale-joins-net-zero-banking-alliance
5 https://www.societegenerale.asia/en/newsroom/success-stories/success-stories-details/news/ripple-effect-floating-solar-project-sets-template-for-southeast-asia/