La croissance fulgurante des centres de données en Asie-Pacifique

10/03/2025

Par Marie Vinnell, Responsable Pays pour l'Australie, et Eugene Tan, Responsable TMT pour la région Asie-Pacifique, Société Générale.

Cet article a été publié dans « The Asset ».

De l'extérieur, le bâtiment sans fenêtre de la taille d'un entrepôt situé à la périphérie de l'une des grandes villes d'Asie ne ressemble pas à grand-chose. Mais ne vous y trompez pas : à l’intérieur de la structure anonyme d'un centre de données se cache une véritable ruche d'activités. Ces centres sont tout simplement les éléments constitutifs de notre monde virtuel.

Ils représentent également l'un des marchés les plus dynamiques au monde et connaissent une croissance fulgurante, qu'il s'agisse de leurs besoins en énergie, de leurs besoins en capitaux ou de la vitesse à laquelle ils sont devenus indispensables dans l’esprit du public. .
C'est certainement le cas de l'Asie, qui représente 155 milliards de dollars sur un marché mondial d'environ 400 milliards de dollars, selon Statista, soit presque autant que les États-Unis et plus que l'Europe. Le taux de croissance, de 20 à 30 % par an, correspond également à celui de l'Amérique du Nord et ne montre aucun signe de ralentissement.

En Asie-Pacifique, cette croissance s'est historiquement concentrée dans les grandes métropoles de Hong Kong, Singapour, Sydney et Tokyo, ainsi qu'à Pékin et Shanghai.
Si les clients sont prêts à externaliser leurs serveurs et leur hébergement dans des installations sur mesure devenues les premiers centres de données de « colocation », ils tiennent aussi à les avoir à proximité de leurs sièges sociaux et de leurs bureaux, notamment pour réduire le temps de latence (retard) que subissent les réseaux informatiques avec l’augmentation de la distance.

L'essor de nouveaux marchés de croissance

Ces dernières années, cependant, la construction des centres de données s’éloigne des grands centres urbains. Un certain nombre de nouveaux marchés se développent très rapidement, notamment à Melbourne en Australie, Osaka au Japon, Séoul en Corée du Sud et Johor en Malaisie.

En effet, les centres de données les plus récents (et les plus grands) sont dédiés à la formation de grands modèles de langage (LLM) et à d'autres applications d'intelligence artificielle (IA). Pour ces cas d'utilisation, la latence importe moins que, par exemple, pour la diffusion de vidéos en continu ou l'exécution de transactions financières automatisées.

Cependant, les nouvelles puces d'intelligence artificielle fournies par des sociétés comme Nvidia consomment 5 à 10 fois plus d'énergie que les générations précédentes de semi-conducteurs et nécessitent un refroidissement beaucoup plus important. Or, l'électricité supplémentaire requise peut s'avérer difficile à trouver dans les villes principales : Tokyo, Sydney et le centre de Séoul sont soumis à certaines contraintes, et il faut parfois deux ans ou plus pour obtenir une connexion au réseau.

De son côté, Singapour a mis en place un moratoire sur la construction de nouveaux centres de données entre 2019 et 2022 conformément à ses engagements en matière d'environnement, et a depuis strictement limité les autorisations.

Les « hyperscalers » qui dominent l’industrie du cloud et investissent désormais massivement dans l'IA, tels qu'Amazon, Google et Microsoft aux États-Unis, et Alibaba et Tencent en Chine, cherchent donc à s'implanter sur de nouveaux sites.

Ces entreprises ont non seulement besoin d'énergie, mais d'énergie propre, compte tenu de leurs propres objectifs environnementaux stricts. En effet la plupart de ces grandes compagnies se sont engagées à décarboner totalement leurs activités d'ici à 2030. Dans le même temps, elles explorent de nouvelles technologies de refroidissement performantes, telles que le refroidissement direct des puces et le refroidissement immersif, qui peuvent réduire la consommation d'eau et d'électricité. 

De plus, identifier les sites appropriés et gérer les équipes de chantier et les demandes de permis ne sont pas leur cœur de métier. D’où l’émergence d’opérateurs spécialisés pour prendre en charge l'ensemble du processus, de l’identification du terrain jusqu'à la remise clé-en-main d'une « coque », dotée des connexions électriques, de refroidissement et de fibres optiques nécessaires et prête à accueillir le matériel du client « hyperscalé ».

Des conseils de spécialistes pour des spécialistes

En Asie, ces entreprises incluent AirTrunk, récemment vendu à Blackstone pour 16 milliards de dollars, ou encore STACK Infrastructure, CyrusOne, Digital Realty et Equinix.
Ces spécialistes ont des besoins en capitaux importants et croissants, car la taille des centres de données ne cesse d'augmenter. 

De tels financements deviennent aussi plus complexes et peuvent couvrir un portefeuille couvrant plusieurs juridictions et à des stades de développement différents. En outre, dans de nombreux cas, il est nécessaire de mettre en place des prêts et des obligations durables.

Ces entreprises recherchent auprès des banques des financements et des conseils sur tous ces aspects. Les banques les aident également à s'y retrouver dans les réglementations et les normes de financement locales, ce qui s’avère très utile pour celles qui souhaitent investir de nouveaux marchés mais ne sont familières que d’une seule juridiction. Si chaque pays a son propre ensemble de règles, il reste que tous sont unis par une même croissance rapide de l'infrastructure des centres de données dans la région Asie-Pacifique.
 

 

 

1. www.statista.com/outlook/tmo/data-center/asia