
La Chine retrouve ses marques: stabilité économique et reprise progressive en 2025
Par Wei Yao, Responsable de la recherche et Economiste en chef au sein de Société Générale Asie-Pacifique.
Des politiques publiques favorables et une allocation plus efficace des ressources ont placé la Chine dans une position moins vulnérable.
Après plusieurs années difficiles, l'économie chinoise se stabilise, et consommateurs comme investisseurs commencent à retrouver une certaine confiance. Les défis ne manquent pas, mais Société Générale envisage une reprise progressive dès lors que la politique gouvernementale est devenue plus favorable et que de nouvelles mesures de relance sont attendues en 2025 pour consolider la croissance et sortir de la déflation.
Le défi dont tout le monde parle actuellement est celui des tarifs douaniers alors que la nouvelle administration américaine déploie une politique commerciale agressive et apparemment plus transactionnelle. Cependant, la Chine pourrait ne pas être aussi vulnérable à ces taxes et aux sanctions commerciales lancées par le nouveau gouvernement.
Nous pensons que la hausse générale de 10 % imposée en février et les 10 % supplémentaires annoncés en mars sont gérables tant que Pékin s'attache à relancer la demande intérieure.
Cependant, il nous est encore difficile d'imaginer une augmentation supplémentaire de 40 à 60 % dans l'année, car plus de la moitié des exportations chinoises vers les États-Unis sont des biens de consommation. Au-delà de la première hausse généralisée de 10 à 20 %, une approche par lots est plus probable, se concentrant sur les biens intermédiaires auxquels la Chine a déjà considérablement réduit son exposition.
Dans une perspective à long terme, les tarifs pourraient être une bonne chose pour la Chine, incitant les autorités de Pékin à rééquilibrer progressivement l'économie vers la consommation. Une incertitude demeure cependant sur ce que l'administration Trump ferait des importations en provenance des pays Chine+11 soutenues par des entreprises et des intrants chinois.
La politique intérieure devient favorable
A ce jour, nous nous attendons à ce que les tarifs douaniers réduisent d'environ un point de pourcentage la croissance du PIB de cette année, ce qui peut être absorbé par une économie qui semble plus stable qu'au cours des dernières années. La croissance nominale –le chiffre à étudier plus particulièrement – était d'environ 4 % l'année dernière, après déduction d'un point de pourcentage de déflation, et devrait s'améliorer pour atteindre presque 5 % en 2025. La demande globale devrait à nouveau s'améliorer, ce qui devrait stimuler la croissance des bénéfices des entreprises et se refléter dans des cotations boursières plus élevés.
Un aspect plus positif pour la confiance et la richesse des ménages sera la stabilisation des prix de l'immobilier après trois années difficiles. Non seulement la demande s'améliore, mais l'offre a également été fortement réduite. Bien qu'il y ait encore un surplus d'inventaire à l'échelle nationale, l'offre et la demande dans les villes de premier rang commencent à s'équilibrer. Il est trop tôt pour annoncer une reprise dans ce secteur clé, qui représente un tiers du PIB, mais le logement n'est plus le frein à la confiance et à la performance économique qu'il a été.
Qu'est-ce qui a changé ? En un mot, la politique publique. Le gouvernement s’est aperçu que sa politique de concentration sur les seuls industrialisation et investissement, en grande partie dans le but de rendre la Chine autonome dans les industries critiques, était allée trop loin.
Il a corrigé sa trajectoire en septembre dernier et a commencé à déployer des mesures de soutien pour le logement, les consommateurs et les gouvernements locaux. Le programme de 12 000 milliards de RMB de novembre, sur 6 ans, pour soutenir les finances des gouvernements locaux, permet aux administrations municipales et étatiques de passer du simple remboursement de la dette à l'aide aux entreprises et aux consommateurs locaux, et ainsi d’atteindre au moins la neutralité budgétaire, voire même une expansion du budget.
L'efficacité, le maître mot
Tout aussi important, Pékin a cessé de cibler les secteurs des services, y compris les plateformes d'éducation en ligne, les entreprises fintech et même un retour des grandes entreprises technologiques, le président Xi ayant rencontré plusieurs de leurs dirigeants en février. Ce focus sur le secteur des services est important puisque la Chine doit encore trouver des emplois pour 10 millions de nouveaux diplômés chaque année.
Les autorités ont également pu changer de priorité, en mettant désormais l'accent sur l'efficacité de l'investissement et non plus seulement sur la quantité. Nous nous attendons par conséquent à une consolidation dans les secteurs qui ont trop de surcapacité en Chine. Les dépenses en énergie propre, comme les énergies renouvelables, seront également maintenues, mais l'objectif ici est autant la sécurité énergétique du pays que la réduction des émissions de CO2.
Dans l'ensemble, nous envisageons une stabilisation suivie d'une reprise basée sur un meilleur équilibre entre l'offre et la demande. Cela devrait produire une croissance plus durable qui, à son tour, devrait permettre au pays d'atteindre ses objectifs politiques avec des taux de croissance du PIB (beaucoup) plus faibles qu'auparavant.
1. “China+1” ou China Plus One fait référence la réorientation des investissements d’une entreprise, de la Chine vers d’autres économies, telles l’Asie du Sud-Est. Cela permet de limiter la dépendance et les risques liés à la géopolitique et aux tarifs douaniers. (McKinsey & Company)