Les constructeurs automobiles augmentent leurs investissements dans la chaîne de valeur des véhicules électriques

03/07/2023

La répartition des risques tout au long de la chaîne de valeur sera essentielle au vu des centaines de milliards d'euros qui sont investis pour faire de la transition une réalité.

Par les experts Société Générale Nicolas Sanson, Head of Automotive and Mobility Investment Banking et Christophe Hadjal, Regional Head of Mining, Metals and Industries Finance for Europe.

L’introduction en bourse de Porsche en septembre 2022 avec 9 millards d’euros levés, a été l’une des introductions les plus importantes et des plus audacieuses de l’histoire des marchés boursiers européens. Lancée dans des conditions de marché difficiles, et avec Société Générale comme joint global bookrunner, l'introduction en bourse avait pour objectif de faire gagner Porsche en agilité et en liberté d’entreprise dans le cadre de sa transition vers les véhicules électriques.

Alors que les voitures à combustion interne continuent de dominer les rues, les grands constructeurs automobiles réalisent déjà des investissements substantiels dans l’électrique de demain. Porsche est à l'avant-garde de l'électrification et des carburants électriques, investissant massivement à mesure que la demande des clients évolue rapidement vers les véhicules électriques.

Mais l'avènement de l'ère électrique va bien au-delà des seuls véhicules. Pour que le parc automobile mondial passe aux véhicules électriques en quelques décennies, il faut construire un grand nombre de gigafactories de batteries et installer des millions de chargeurs de véhicules électriques. Tous ces éléments de la chaîne de valeur doivent être créés en même temps pour que les consommateurs disposent d'un nombre suffisant de réseaux de recharge, tant pour l'utilisation locale que pour l'utilisation sur de longues distances. Sans installations de recharge en nombre suffisant, comment les véhicules électriques pourraient-ils fonctionner ? En conséquence, les constructeurs automobiles engagent des investissements exceptionnellement importants dans la chaîne de valeur, s'élevant à des dizaines de milliards d'euros, ce qui entraîne également des défis technologiques, industriels et financiers considérables.

Lorsqu'ils cherchent à contribuer au financement du processus, les banques d’investissement doivent comprendre tous les éléments de l'activité qui se déroulent sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Pour faciliter ce processus, les banques comme Société Générale procèdent à des changements majeurs en interne afin de mettre en place les fondations nécessaires pour fournir la dette et les capitaux propres requis pour développer l'industrie automobile et d'autres secteurs, ainsi que pour promouvoir et faire progresser la décarbonation. Au fur et à mesure que de nouvelles chaînes de valeur se forment, elles mettent en relation des spécialistes de différentes équipes afin de rassembler l'expertise nécessaire pour accélérer la transition.


2,5 billions d'euros de ventes estimées de voitures d'ici à 2030

Le rythme et l'ampleur du changement sont considérables et plus importants que ce à quoi beaucoup s'attendaient. D'ici 2030, les ventes de voitures pourraient atteindre environ 2 500 milliards d'euros, dont environ 1 000 milliards d'euros attribués aux ventes de véhicules électriques, soit une multiplication par 7 par rapport au marché actuel. D'importants revenus liés aux logiciels sont également attendus, de l'ordre de 150 à 200 milliards d'euros. L'industrie automobile représente 13 millions d'emplois en Europe, soit 7 % de la main-d'œuvre, comme aux États-Unis et en Chine.

La révolution de l'industrie automobile évoluant rapidement, les constructeurs doivent s'adapter rapidement. D'ici 2035, les véhicules électriques devraient représenter la moitié des ventes de véhicules légers dans le monde. Qui plus est, ils devraient représenter les deux tiers dans les trois grandes économies développées que sont les États-Unis, la Chine élargie et l'UE.

Alors que les gouvernements s'efforcent de décarboner les économies, les voitures constituent un domaine de prédilection : dans l'UE, par exemple, les transports génèrent environ un quart des émissions de CO2, selon l'Agence européenne pour l'environnement, dont plus de 70 % proviennent du transport routier. Alors qu'il y avait au départ une certaine réticence au changement, l'électrification se fait aujourd'hui plus rapidement que prévu, car les réglementations européennes obligent les constructeurs automobiles à réduire leurs émissions, et par ailleurs les réglementations américaines et chinoises rattrapent leur retard.


La répartition des risques est essentielle

À l'heure où des capitaux sont nécessaires pour assurer une transition rapide vers les véhicules électriques, les constructeurs automobiles ont des bilans différents. Afin d’avoir une idée de l'ampleur des capitaux nécessaires, le plus grand constructeur automobile européen, le groupe Volkswagen, a annoncé début 2023 son intention d'investir 180 milliards d'euros sur cinq ans, la majeure partie de cette somme étant réservée à la transition, notamment à la fabrication de ses propres batteries et à la mise au point de logiciels.

Si les ambitions en matière de dépenses d’investissements des autres constructeurs automobiles et des fournisseurs principaux sont quelque peu inférieures à celles de Volkswagen, ils se préparent également par le biais de fusions et d'acquisitions. Par exemple, l'année dernière, avec les conseils de banques d'investissement telles que Société Générale, Faurecia a finalisé l'acquisition de Hella pour 6,7 milliards d'euros, et Plastic Omnium a acquis Varroc Lighting pour un montant d'environ 500 millions d'euros. Société Générale conseille également Stellantis sur l'acquisition d'une participation à hauteur de 33% dans Symbio, un leader de la mobilité hydrogène zéro émission.

Alors que les constructeurs automobiles et les autres entreprises de la chaîne de valeur se préparent au futur de l’électrique, ils continueront à s'appuyer sur le financement des marchés de capitaux pour se développer, que ce soit sous la forme de capitaux propres ou de dettes. Ils continueront également à former des co-entreprises et des partenariats avec d'autres entreprises afin de partager les risques dans des projets tels que les nouvelles gigafactories. Mais le succès de ces financements et de ces nouvelles entreprises dépendra du partage approprié des risques entre les différentes parties de la chaîne de valeur. La répartition des risques étant au cœur de ces possibilités, c’est une période passionnante pour négocier les modalités qui reflètent ces risques et pour assurer l’avenir des véhicules électriques.

 

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1 Données pour 2019. 71,7 % des émissions liées au transport proviennent du transport routier. https://www.europarl.europa.eu/news/en/headlines/society/20190313STO31218/co2-emissions-from-cars-facts-and-figures-infographics