
L'or bleu : répondre aux défis de l'eau par l'innovation et l'investissement
La croissance de la demande mondiale en eau, due notamment aux besoins agricoles et industriels, exerce une pression considérable sur les ressources en eau douce. Cette situation a engendré la mise en place d’un cadre réglementaire complexe, obligeant les entreprises à mettre en place des stratégies efficaces de gestion de l'eau. Des projets dans les secteurs miniers et de l’acier démontrent comment les industries adoptent des pratiques durables en matière d’utilisation de l’eau, soulignant le potentiel de ces changements significatifs dans la gestion de cette ressource essentielle.
Par Karin Bony-Merad, Responsable Finance Durable et du programme Shift Eau et Laurent Chabot, Co-Responsable du Financement d'Infrastructures, Paris.
Défis mondiaux liés à l’eau et réponses réglementaires
L'augmentation significative de l'utilisation de l'eau à l'échelle mondiale pour l'agriculture et les besoins industriels exerce une pression considérable sur la quantité disponible et la qualité de l'eau douce. Récemment, la disponibilité de l'eau a franchi l'une des limites planétaires, plongeant ainsi dans une « zone d'incertitude ». Cette situation a sensibilisé davantage aux défis liés à l'eau, entraînant le développement de nouvelles réglementations et de nouvelles politiques. Les industries fortement dépendantes de l'eau, telles que l'exploitation minière, la construction, la production d'énergie thermique, la production textile et les produits pharmaceutiques, investissent désormais dans des pratiques de gestion de l'eau plus efficaces. La mobilisation de capitaux privés est essentielle pour faciliter ces investissements, avec l'émergence de solutions de financement innovantes comme les obligations bleues pour soutenir ces initiatives.
À mesure que les défis liés à l'eau s'intensifient, les réglementations et politiques visant l'utilisation de l'eau dans les industries se multiplient (par exemple la révision de la directive sur le traitement des eaux usées urbaines dans l'UE, les réglementations sur les PFAS aux États-Unis, le recyclage obligatoire de l'eau à Singapour...). Les institutions financières, en particulier au sein de l'UE, sont désormais tenues par les directives réglementaires d'identifier et de gérer les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), y compris ceux liés au climat, à la nature et à l'eau. Ces institutions déploient leur expertise en matière de risques financiers liés au climat pour analyser les divulgations, les objectifs, les dépenses en capital et les plans de transition de leurs clients.
Stratégies de gestion de l’eau par les grandes entreprises
Dans ce contexte, les entreprises ayant un impact significatif sur les ressources en eau prennent des mesures proactives pour atténuer les risques potentiels. Celles qui dépendent de l'eau font face à des risques réglementaires, opérationnels et réputationnels, les incitant à améliorer leurs stratégies de gestion de l'eau. Cela inclut :
La réalisation d'évaluations des risques approfondies et la définition d'objectifs liés à l'eau (par exemple, GSK établissant des objectifs validés par le SBTN)
L'intégration des risques liés à l'eau dans les indicateurs financiers et l'analyse de scénarios (par exemple, Michelin fixant un prix interne de l'eau)
L'investissement dans des technologies avancées de l'eau et des solutions innovantes.
S'appuyant sur les connaissances déjà acquises en matière de climat et d'émissions financées, Société Générale s’est engagée activement avec des clients issus de secteurs sensibles à l'eau concernant leurs risques et opportunités liés à cette ressource.
L'investissement dans le traitement de l'eau est essentiel pour relever ces défis. Des solutions telles que la réutilisation de l'eau, les solutions numériques pour l'eau et la désalinisation prennent de l'ampleur. Parmi les projets notables financés par Société Générale figurent des projets de traitement de l'eau dans les secteurs de l’acier et de l'exploitation du cuivre. Par exemple, Stegra a conclu un partenariat privé avec John Laing pour une usine de traitement de l'eau. Cette infrastructure auxiliaire est essentielle pour faire fonctionner ce qui sera la première usine de production d'acier vert à grande échelle au monde, située en Suède. Un autre exemple, l'usine de désalinisation d'Aconcagua au Chili produira de l'eau douce pour diverses utilisations, y compris pour une opération minière de cuivre, répondant ainsi à l'accès limité à l'eau pour un usage industriel dans la région tout en préservant l'approvisionnement en eau pour les communautés locales.
Le rôle du capital privé dans l'investissement des infrastructures liées à l’eau
Le capital privé est bien positionné pour jouer un rôle vital pour soutenir ces changements et permettre des investissements dans les infrastructures. Selon la Banque mondiale, environ 6,7 billions de dollars d'infrastructures liées à l'eau seront nécessaires d'ici 2030, avec des projections indiquant que ce chiffre pourrait atteindre 22,6 trillions de dollars d'ici 2050. Cela souligne l'urgence de flux importants et coordonnés de capitaux publics et privés pour remédier à des décennies de sous-investissement dans le secteur de l'eau.
De plus, les entreprises spécialisées dans le traitement de l'eau recherchent activement des opportunités d'investissement sur le marché, comme le montre l'augmentation des activités de fusions et acquisitions (M&A) : entre 2018 et 2024, 44 transactions impliquant des entreprises liées à l'eau ont été recensées, dont 29 portant sur des technologies de traitement de l'eau*. Cette tendance témoigne d'une prise de conscience croissante de l'importance d'une gestion durable de l'eau et du potentiel d'investissements rentables dans ce secteur crucial.
En conclusion, l'interaction entre les pressions réglementaires, la responsabilité des entreprises et les solutions de financement innovantes provoque un changement notable dans la gestion des ressources en eau par les industries. Alors que la demande mondiale en eau continue d'augmenter, la collaboration entre le capital privé et les secteurs consommateurs d'eau sera cruciale pour promouvoir des pratiques durables et assurer la viabilité à long terme des ressources en eau douce.
*Source: Blunomy