
3 questions à Allan Baker, Responsable du groupe Energy+ pour la région EMEA
3 questions à Allan Baker, Responsable du groupe Energy+ pour la région EMEA sur la technologie de captage et de stockage du carbone.
Qu'est-ce que la technologie de captage, d'utilisation et de stockage du carbone (Carbon Capture, Utilisation and Storage - CCUS) ? Pouvez-vous nous donner un aperçu du retour sur investissement attendu et des risques associés ?
La technologie de CCUS est, à mon avis, un outil essentiel pour lutter contre les émissions de CO2 dans la perspective de l'objectif zéro émission nette. Elle consiste à séparer le CO2 des flux de gaz mixtes provenant d'une série de processus industriels, y compris, par exemple, les gaz de combustion produits par les centrales électriques, et à empêcher son rejet dans l'atmosphère. Le CO2 capturé est ensuite soit stocké en toute sécurité sous terre, soit potentiellement utilisé pour produire d'autres produits tels que des agrégats, qui emprisonnent le carbone.
La technologie de CCUS est particulièrement efficace dans les secteurs de l'énergie et de l'industrie, notamment dans les industries où il est difficile de réduire les émissions et où il existe peu d’alternatives pour ce faire, comme la production de ciment, d'acier et de produits chimiques.
Actuellement, environ 40 projets de CCUS sont en cours dans le monde(1) et capturent entre 42 et 49 millions de tonnes métriques de CO2 par an. Si tous les projets en cours de développement sont menés à bien, nous pourrions potentiellement capturer environ 360 MtCO2 par an, soit environ 0,7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
L'investissement dans les technologies de CCUS offre un potentiel important, en raison du besoin croissant de solutions pour répondre au changement climatique. Cependant, il est difficile de généraliser le retour sur investissement car il dépend de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques spécifiques du projet, le niveau de soutien gouvernemental et les taux d'adoption du marché. Il convient également de noter que ces investissements comportent un certain niveau de risque qui peut varier d'un projet à l'autre et d'une juridiction à l'autre, de sorte que les retours sur investissement sont très spécifiques à chaque projet. Des changements dans la politique gouvernementale, des volumes de CO2 plus faibles que prévu ou un ralentissement des progrès technologiques, par exemple, pourraient avoir un impact négatif sur les rendements escomptés.
Quel est le rôle de la technologie CCUS, son statut actuel, son utilité potentielle dans différents secteurs ? Quelle est sa contribution à l'atténuation nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux ?
Ces dernières années, la technologie CCUS a connu un regain d'intérêt et d'investissement à l'échelle mondiale. Cette évolution a été amplifiée par une prise de conscience croissante de l'importance de supprimer le CO2 des technologies existantes utilisant des combustibles fossiles pour atteindre les objectifs climatiques.
À l'heure actuelle, la technologie CCUS capture environ 0,1 % des émissions mondiales de CO2, équivalant à environ 45 millions de tonnes. Cependant, les projections du Groupe d'experts inter-gouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et de l'Agence internationale de l'énergie suggèrent que ce chiffre pourrait atteindre environ 1 milliard de tonnes de CO2 d'ici à 2030 et plusieurs milliards de tonnes d'ici à 2050(2).
Je pense que la technologie CCUS jouera probablement un rôle crucial à l'échelle mondiale en complétant les énergies renouvelables, l'électrification et d'autres technologies déployées pour atteindre les objectifs de zéro émission nette. Néanmoins, sa contribution exacte et le calendrier sont encore incertains et dépendent de plusieurs variables, notamment : le développement de solutions alternatives de décarbonation dans différents secteurs, le rythme des développements politiques et réglementaires, le niveau de soutien financier disponible et le soutien public dans les années à venir.
Comment Société Générale contribue-t-elle à la mise en œuvre d'un plus grand nombre de projets liés aux technologies CCUS ?
Nous avons récemment agi en tant que conseiller financier exclusif, MLA , DLA et banque de couverture pour les projets Northern Endurance Partnership (NEP) et Net Zero Teesside Power (NZT), qui font partie de l'East Coast Cluster (ECC) du Royaume-Uni. Ils constituent un élément essentiel de la stratégie de décarbonation du pays, car ils servent de pilotes pour les modèles commerciaux de CCUS britanniques qui seront repris pour les futurs projets de développement. NEP et NZT facilitent également la décarbonation de l'un des domaines les plus émetteurs de CO2 industriel au Royaume-Uni. Avec un financement combiné de plus de 8 milliards de livres sterling, il s'agit des plus importants financements de projets au Royaume-Uni au cours des dernières décennies et du premier financement d'un projet de captage et de stockage de carbone (CSC) sur l’ensemble de la chaîne.
Le NEP est une collaboration entre BP, Equinor et Total Energies, dont l'objectif est de mettre en place une infrastructure de transport et de stockage du CO2 destinée aux projets ECC, avec une capacité de stockage pouvant atteindre jusqu'à 450 millions de tonnes. De son côté, NZT Power, développée par BP et Equinor, représente la première centrale électrique au gaz équipée d'une technologie de captage du carbone de cette capacité à l’échelle mondiale, capable de produire de l'électricité à faible teneur en carbone pour 1,3 million de foyers tout en capturant jusqu'à 2 millions de tonnes de CO2 par an.
Notre participation à ces projets témoigne de notre engagement en faveur d’initiatives à grande échelle, qui favorisent la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone et s'inscrivent dans la stratégie zéro émission nette du gouvernement britannique. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les promoteurs du projet et le gouvernement britannique pour assurer leur réussite.
Non seulement ces projets jouent un rôle clé dans la réduction des émissions de CO2 et la création de milliers d'emplois, mais ils ouvrent également la voie à un modèle pour les futurs développements CCUS. Ils positionnent aussi le Royaume-Uni à l'avant-garde de l'industrie. Ayant joué un rôle de premier plan dans l'élaboration des modèles commerciaux britanniques, nous nous appuyons à présent sur ce succès pour contribuer au développement de projets de CSC dans d'autres régions, à mesure que l'intérêt pour cette technologie s'accroît.
Société Générale contribue à la transition vers un avenir plus durable, mettant à profit son expertise financière pour soutenir et réaliser des projets liés aux technologies de CCUS.
(1) Source: Global CCS Institute (GCCSI) and IEA
(2) Net Zero Roadmap: A Global Pathway to Keep the 1.5 °C Goal in Reach - 2023 Update