
La dynamique de titrisation en Europe va-t-elle se poursuivre ?
3 questions à Florence Coeroli, Responsable Distribution et Solutions de Crédit au Royaume-Uni, Société Générale, qui revient sur les implications des nouvelles propositions de l’UE en matière de titrisation, en soulignant que ces réformes visent à orienter davantage de financements vers l’économie réelle grâce à des exigences de fonds propres mieux alignées et à une réduction des coûts opérationnels.
Quelles sont les implications des récentes propositions européennes sur la titrisation ?
Les amendements proposés au règlement sur la titrisation visent à accroître le financement de l’économie réelle, un objectif essentiel pour l’Union européenne dans le contexte économique et géopolitique actuel. Concrètement, lors d’un investissement en titrisation, les exigences de fonds propres pour les banques et les assureurs seront ajustées afin de mieux refléter les risques réels de ce type d’investissement et d’éliminer les coûts excessifs, tout en maintenant un cadre efficace pour la stabilité financière. Les nouvelles règles proposées visent également à réduire les coûts opérationnels pour les émetteurs et les investisseurs.
Ces propositions devraient inciter les émetteurs à renforcer leur présence sur les marchés de capitaux de la titrisation et encourager les investisseurs à augmenter leur allocation aux émissions de titrisation. Cela renforcera la capacité à utiliser la titrisation comme un outil de financement efficace pour l’économie. Face à l’émergence de nouveaux besoins de financement, il est essentiel de stimuler et de transformer notre économie : la diversification des sources de financement et la création de nouvelles poches de liquidité resteront des objectifs clés de notre système financier.
Que constatez-vous sur le marché primaire de la titrisation ?
Cette année, le marché de la titrisation en Europe a connu un très bon niveau d’activité, avec des volumes d’émissions en hausse et de nouveaux émetteurs entrant sur le marché. L’année dernière près de 190 milliards d’euros en volume total de produits titrisés ont été placés sur le marché. Une année record qui promet d’être battue en 2025 en atteignant 200 milliards d’euros.
En plus des classes d’actifs traditionnelles placées sur les marchés de capitaux, telles que les titres d'emprunt collatéralisés (CLO) et les titres adossés à des prêts hypothécaires résidentiels (RMBS), nous avons observé des niveaux élevés d’émissions dans diverses catégories d’ABS (Asset-Backed Securities) exposées à des portefeuilles larges et diversifiés de prêts automobiles, prêts à la consommation, prêts aux SME, financements d’équipements. Par ailleurs, nous avons constaté aussi des volumes plus importants sur le marché des titrisation de crédits hypothécaires commerciaux (commercial mortgage backed securities - CMBS) au Royaume-Uni et en Europe.
La diversité sectorielle est importante et, comme toujours dans les opérations de titrisation, les investisseurs ont la possibilité de choisir le niveau de risque qu’ils souhaitent en fonction de leur profil, en optant soit pour des obligations de catégorie « high investment grade » (jusqu’à AAA), soit pour des obligations mezzanine notées A ou BBB.
Le marché de la titrisation est également de plus en plus utilisé pour financer la révolution numérique, avec l’émergence en Europe de nouvelles classes d’actifs telles que les ABS liés aux centres de données. Explorer ce nouveau type d’émission contribue à créer une base d’investisseurs plus large pour le financer les data centers, en complément des financements déjà fournis par les banques.
Pourquoi les ABS gagnent-ils en popularité ?
Nous avons constaté une forte confiance des investisseurs sur ce marché tout au long de l’année, malgré les épisodes de volatilité post-tarifs. Les titres adossés à des actifs (asset-backed securities) offrent une exposition à des portefeuilles diversifiés, généralement caractérisés par une performance de crédit très stable et une faible corrélation avec d’autres classes d’actifs. La qualité de crédit des portefeuilles ABS est restée très solide, avec une hausse limitée des impayés et des défauts, confirmant la réponse positive des investisseurs.
Cela s’est traduit par une demande accrue pour cette classe d’actifs et un resserrement continu des spreads en 2025, en ligne avec les marchés du crédit dans leur ensemble. L’année prochaine, nous prévoyons la poursuite d’une offre élevée et une demande croissante des investisseurs, désireux de bénéficier du profil risque/rendement attractif des produits titrisés.




