Protéger l’épargne-retraite pour limiter les risques

17/05/2023

Se mettre au régime dès demain, à la gym dès la semaine prochaine, et se mettre au vert après le nouvel an… Il est facile de toujours reporter à plus tard. Surtout lorsqu’il s’agit de préparer sa retraite, la plupart d'entre nous tergiversons encore plus longtemps.

Avec pour conséquence pour de nombreuses économies avancées d’être confrontées à d'importants déficits de financement et d'épargne qui menacent un peu plus chaque année de se transformer en une véritable crise des retraites.

Certains pays s'appuient principalement sur un système public de retraite « par répartition », dans lequel les cotisations encaissées auprès des actifs financent les pensions versées aux retraités. Ce système nécessitera probablement une augmentation de la charge fiscale sur les actifs actuels et futurs, tout particulièrement avec une démographie en baisse. Le Japon et une grande partie de l'Europe continentale entrent dans cette catégorie et devront à terme restructurer ce système intergénérationnel entre les actifs (plus jeunes) et les retraités (plus âgés).

Toutefois, les pays dans lesquels des systèmes de retraite privés fournissent la principale source de revenu à la retraite, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, ne sont pas toujours mieux lotis. Le régime de retraite de base de l'État (Pilier 1) étant souvent minime dans ces pays, la situation de leurs futurs retraités pourrait même être pire. 

Pris au dépourvu

Le Royaume-Uni, pays où le déficit d'épargne-retraite s'élevait à 8000 milliards de dollars en 2015 et devrait atteindre 33000 milliards de dollars d'ici 2050 (1), en est un exemple caractéristique. « La suppression progressive du régime de retraite à prestations définies, conséquence involontaire de la législation sur la libéralisation des régimes de retraite, et la résistance au changement du secteur de l'épargne menacent d'augmenter considérablement la pauvreté des pensions de retraite », déclare Onno Vleeshouwer, Co-responsable mondial du secteur assurance chez Société Générale à Londres, dont l'équipe a réalisé une étude approfondie de la crise qui se profile. 

Il ne fait aucun doute que les généreux régimes de pension de retraite de fin de carrière offerts à l'origine par la plupart des entreprises privées au Royaume-Uni n’étaient pas réalistes. Mais le passage à des systèmes à cotisations définies a entraîné un déplacement généralisé des grands risques liés à la retraite de l’employeur à l’employé. Le risque de longévité, le risque d'investissement, le risque d'inflation et le « market timing » sont autant de risques que la plupart des individus ne sont pas en mesure de gérer. 
En outre, la législation de 2015 sur la libéralisation des retraites a soudainement placé les individus devant des choix encore plus nombreux. « La plupart des particuliers ont réagi comme des lapins pris dans les phares d’une voiture », déclare M. Vleeshouwer. Il ne se sont pas sentis concernés, ou n’ont pas su prendre de décision ou ont fini par investir en prenant trop ou pas assez de risques. 

Les États-Unis, où l'abandon des régimes à prestations définies a commencé dans les années 1970, sont confrontés à un dilemme identique. Les régimes de retraites publiques ne fourniront probablement qu’un revenu minimal à la plupart des retraités. Et  il est difficile de déterminer si les réformes des régimes à cotisations définies « 401k », qui les ont rendus transférables et cessibles, ont incité les particuliers à épargner suffisamment ou à investir dans des produits à risques appropriés. Selon Alan Skandan, Responsable du pôle Investor Solutions, Pensions Endowments & Foundations de Société Générale à New York, le fait d’avoir plus de choix n'implique pas forcément de meilleurs résultats, reconnaissant que de nombreux individus ne possèdent pas les connaissances suffisantes pour prendre des décisions d'investissement aussi importantes. De même, l'idée d'exiger un niveau minimal de contribution serait un anathème politique.

Protéger son capital, un pari gagnant

Mieux impliquer et protéger les épargnants est essentiel pour éviter la pauvreté des retraites. Des études révèlent que deux facteurs principaux déterminent le revenu dont disposera une personne à la retraite. Tout d'abord, les versements : combien et à partir de quand ; le plus souvent, les particuliers épargnent trop peu et trop tard. Deuxièmement : le risque de marché ou le risque de séquence des rendements des placements. Par exemple, au cours des périodes de fragilité financière pour l'épargnant, telles que les années précédant la retraite, le modèle actuel de rotation de l’allocation des régimes à cotisations définies des actions vers les obligations « plus sûres » expose tout de même les épargnants à un risque important sur les marchés financiers. La hausse des taux d'intérêt l'année dernière, par exemple, aura fortement érodé cette épargne retraite – des pertes que les épargnants ne pourront jamais compenser à moins qu'ils ne continuent de prendre des risques une fois à la retraite, un scénario loin d'être idéal. 

Il existe donc un besoin urgent de protéger l’épargne retraite en fin de carrière contre les pertes en capital. De tels produits d'assurance existent déjà dans d'autres secteurs et, en principe, une grande partie du secteur de l'épargne reconnaît leur utilité. Dans la pratique, cependant, chacune des parties prenantes du secteur considère que l’introduction de ces produits relève de la responsabilité des autres. Et le secteur reste contraint d'offrir les frais les plus bas possible plutôt que le meilleur rapport qualité-prix, affirme M. Vleeshouwer, de sorte que les produits qui nécessitent une prime de protection passent au second plan dans le secteur des pensions.  

Un besoin urgent de changement

La question de l'épuisement du capital de l’épargne retraite est l’affaire de tous. Toutefois, tout changement durable devra être initié par les instances dirigeantes, en commençant par le devoir de diligence à l’égard du consommateur par les conseils d'administration et la direction des entreprises sur l'ensemble de la chaîne de valeur des retraites. 

De même, il convient de privilégier le rapport qualité/prix, plutôt qu'un plafonnement des frais, pour permettre l'intégration d’une protection dans les produits d'épargne. À l'heure actuelle, il n'y a toujours que peu de signes de volonté de sortir du schéma dans lequel le secteur est bloqué, à savoir que des frais peu élevés permettent aux épargnants d'obtenir de meilleurs résultats. 

Dans le même temps, si une approche axée sur la rentabilité est adoptée, les fournisseurs de produits devront pouvoir expliquer en termes simples comment ces polices garantissent une partie de l’épargne retraite de leurs clients. Compte tenu de l'ampleur du déficit d'épargne-retraite, il est urgent de s’y mettre.

(1) Samans, R. (2017) We’ll live to 100. Forum économique mondial. 
 

 

csm_speakers_FT_PENSIONS_VF_55c8c13e64.png