Qu’est-ce que la « transition IBOR » ?

27/11/2020

Il s’agit de la phase de préparation du secteur financier au remplacement d’ici quelques mois des taux de référence (ou benchmark) dits « IBOR » (InterBank Offered Rate) par des « taux sans risque » alternatifs. Cette transition a de nombreuses répercussions pour l’industrie des taux, les investisseurs et les agents économiques. Les taux IBOR ont pourtant servi de référence durant des décennies au calcul des taux variables pour un large éventail de produits financiers (émissions, prêts, trésorerie, dérivés vanille et exotiques). Pourquoi cette réforme ?

Les taux IBOR mesurent le coût d’emprunt des banques auprès des banques et autres institutions financières sur le marché monétaire sur plusieurs maturités (au jour le jour, 1 semaine, 1 mois, 3 mois, 6 mois, 12 mois). Les taux Libor (London interbank offered rate), Euribor (Euro interbank offered rate) font partie de ces taux qui ont joué un rôle clé dans le financement de l’économie et des marchés ces dernières décennies. D’ailleurs, les contrats financiers liés aux IBOR ont atteint des centaines de milliards de dollars. Toutefois, ces taux sont « prédéterminés » (forward-looking) et construits sur la base des déclarations des banques contributrices sur la base de transactions réelles observées, complétées par des observations d’autres transactions ou paramètres de marchés si ces transactions ne sont pas suffisamment nombreuses. Depuis la crise financière de 2007-2008, le marché des prêts a subi une chute drastique de ses volumes des transactions, ce qui a nourri les inquiétudes des autorités de marchés sur la fiabilité de la méthode de construction des IBOR basés principalement sur l’observation des données de marché. Cette situation a amené le Conseil de la Stabilité Financière (CSF) à recommander en 2014 de réformer et renforcer ces benchmarks et de développer des taux de référence alternatifs ancrés sur des transactions réelles. 

Depuis 2014, les groupes de travail pilotés par les banques centrales ont choisi les taux sans risque (Risk Free Rates ou RFR) comme alternatives aux IBOR. Les RFR sont des taux « post-déterminés » (backward -looking) et construits sur la base de transactions réalisées sur les dépôts auprès des banques au jour le jour (overnight). Négociés sur le très liquide marché monétaire, les emprunts overnight, qu’ils soient garantis ou non garantis, présentent un risque de contrepartie très faible comparé aux maturités plus longues.

La transition vers ces taux RFR est une transformation importante au regard des montants colossaux des produits financiers liés aux IBOR. Depuis 2017, les travaux de groupes de travail se sont ainsi intensifiés. 

En Suisse et au Japon, le Saron (Swiss Average Rate Overnight) et le Tonar (Tokyo Overnight Average Rate), qui existaient déjà, ont été choisis pour devenir les taux RFR et prendre le relais des taux Libor en franc suisse et en yen. 

Le Royaume-Uni a réformé en avril 2018 le Sonia (Sterling Overnight Index Average) pour remplacer le Libor en sterling. Fin 2019, l’autorité de marché britannique, la FCA, a annoncé l’arrêt de l’obligation de contribuer aux taux Libor après la fin de 2021. Cependant des doutes persistent sur le marché sur la faisabilité opérationnelle d’un arrêt du Libor, notamment sur le Libor en dollar en dépit de la création aux Etats-Unis d’un nouveau taux, le SOFR (Secured Overnight Financing Rate). 

En Europe, l’Ester (Euro Short Term Debt) a été créé pour remplacer l’Eonia dont la dernière date de publication est prévue le 3 janvier 2022. En parallèle, l’Euribor a été réformé en juillet 2019 (méthode hybride). L’Euribor sous sa forme actuelle est conforme avec la directive européenne sur les benchmarks et à ce titre utilisable dans les transactions sans qu’une date de fin ne soit envisagée par les autorités à ce stade. 

Aujourd’hui, les marchés de taux RFR ne sont pas encore matures. Le Royaume-uni est le plus en avance avec des marchés de dette et des swaps indexés sur le Sonia bien développés. 

Les RFR sont des alternatives aux IBOR pour l’essentiel des produits de marché mais peuvent ne pas être adaptés aux instruments nécessitant une connaissance du taux en début de période d’intérêt. L’absence de taux à terme sans risque (forward-looking term risk free rate) a nourri l’inquiétude des acteurs de marché, conduisant les groupes de travail en Europe, au Japon, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni à travailler sur des alternatives.

Au regard des délais réglementaires serrés, les autorités de marché ont invité les investisseurs à se préparer au mieux en adoptant dès que possible des taux sans risque dans les nouveaux contrats financiers et à réduire leur exposition aux anciens taux dans les contrats existants. 

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Trois questions sur la transition IBOR
Q&A sur la transition IBOR