Combler l'écart - Comment remplir de "bons critères ESG" pour les entreprises ?

15/10/2020

La "Business Roundtable" continue de faire l'éloge des principes ESG. Rien qu'en 2020, des actions ont été annoncées pour soutenir l'aide face à la crise du Covid-19, un comité spécial pour l'équité ethnique et la justice, et un appel à une réponse plus disciplinée au changement climatique.

Dans la mesure où la "Business Roundtable" est le reflet des entreprises américaines, ces changements sont une bonne nouvelle. Toutefois, ils mettent également en lumière la question de savoir ce qui constitue exactement de "bons critères ESG" pour les entreprises, et un grand nombre d'acteurs du marché, de régulateurs et de gouvernements semblent s'employer à répondre à cette question pour le moment.

Il est très difficile de trouver un ensemble cohérent de réponses, et ces conversations peuvent également rapidement devenir inconfortables ; pourtant, la vague toujours croissante d'investissements, d'engagements publics, de réglementations et de politiques liés aux questions ESG suggère que la durabilité est largement acceptée comme une bonne idée. Alors, pourquoi ce décalage ?

Certes, il nous manque encore un langage cohérent pour les ESG, mais cela est loin d'être la réponse complète. Il s'agit plutôt d'une question plus profonde d'actions et de comportements. Même une brève lecture des rapports de durabilité publiés par les entreprises américaines illustre une tendance aux contorsions idéologiques, aux jeux de langage des entreprises et à un manque de clarté entre ce qui est substantiel et ce qui est performatif. De véritables actions positives sont menées, mais elles sont trop souvent perçues comme sélectives. En outre, nous constatons une tendance répétée à revendiquer la "bonté ESG" comme une qualité intrinsèque préexistante d'une entreprise spécifique, ce qui indique fondamentalement une attitude défensive et anxieuse au détriment d'un véritable engagement.

Nous devons comprendre les sources de cette anxiété. Premièrement, l'ESG est vaste et donc intimidante. L'environnement, le contexte social et la gouvernance couvrent délibérément une série de problèmes qui se situent largement en dehors du champ de vision traditionnel des entreprises. L'adoption du concept d'ESG pousse les entreprises à développer une nouvelle identité propre, pour laquelle il n'existe pas de manuel de MBA définitif. En termes conceptuels, l'ESG exige donc un degré de vulnérabilité publique qui est anathème par rapport à la façon dont les entreprises se dirigent généralement. L'ESG peut donc apparaître comme une vulnérabilité à la fois incontournable et exigeante. Menaçante, en d'autres termes.

Deuxièmement, il y a une question idéologique inconfortable au cœur de l'ESG. Dans ses ambitions, l'ESG demande que les entreprises examinent les conséquences négatives non désirées, non divulguées et non gérées de leurs actions sur le monde qui les entoure, et que ces mêmes entreprises modifient en permanence leur comportement pour "réparer" ces conséquences pour de bon. Par extension, on ne peut pas s'attendre à ce que certaines parties prenantes portent systématiquement le fardeau de favoriser un autre ensemble de parties prenantes. Par exemple, l'ESG est-elle en contradiction avec la priorité donnée aux rendements des actionnaires ? Est-ce même peut-être "anticapitaliste" ? La réponse à ces deux questions est non : l'ESG exprime le fait que si le capitalisme actionnarial a fait beaucoup de bien, il n'a pas non plus prédit ou corrigé bon nombre des problèmes qui nous affectent aujourd'hui, de la crise financière à l'aggravation des inégalités, en passant par le changement climatique. Il s'agit d'un changement existentiel et décourageant après des décennies de précédent, et dans certains cas, ce changement peut même nécessiter que différents intervenants s'adressent à un nouveau public.

Enfin, alors que nous n'en sommes qu'au tout début d'une véritable définition de l'ESG, la conversation évolue déjà rapidement. Les sujets "E" sont de mieux en mieux compris, mais peuvent aussi faire croire que l'ESG consiste en grande partie à adopter un état d'esprit de conformité et de rapport. Entre-temps, les sujets "S" et leur articulation "G" sont tout aussi importants et de plus en plus urgents, mais encore indéfinis en termes d'action claire. Il suffit de voir l'empathie mondiale et l'indignation morale qui ont imprégné les conversations de cette année sur la justice ethnique et la pandémie.

Il faudra y apporter une réponse beaucoup plus personnelle et stimulante : nous en sommes déjà à un point où la philanthropie et les engagements en faveur de la diversité sont de plus en plus critiqués comme étant insuffisants, et la demande porte plutôt sur une réponse permanente qui va au cœur de la manière dont les entreprises sont gérées et dont elles sont réorganisées pour inverser activement les problèmes sociaux. En ce sens, le "S" de l'ESG signifie "systémique" et aspire à changer la vie tout autant que le "E".

Il est nécessaire de se concentrer sur la formulation et les taxonomies des ESG, mais ce n'est pas suffisant ; en effet, cela nous fait courir le risque de passer à côté de cette conversation beaucoup plus vaste et, en fin de compte, plus importante.


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